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Ibéria Claude Debussy
Carte d’identité de l’œuvre : Ibéria (extrait de Images) de Claude Debussy |
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Genre | musique symphonique |
Composition | entre 1905 et 1908, à Paris |
Création | le 20 février 1910 à Paris, par l’Orchestre Colonne sous la direction de Gabriel Pierné |
Forme | tryptique en trois mouvements : I. Par les rues et par les chemins II. Les Parfums de la nuit III. Le Matin d’un jour de fête |
Instrumentation | bois : 1 piccolo, 3 flûtes, 2 hautbois, 1 cor anglais, 3 clarinettes, 3 bassons, 1 contrebasson cuivres : 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tuba percussions : timbales, tambour de basque, castagnettes, tambour militaire, cymbales, cloches, xylophone, célesta cordes pincées : 2 harpes cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Contexte de composition et de création
En 1906, Debussy entame la composition d’Images. Initialement prévue comme une suite pour deux pianos, l’œuvre devient finalement l’une de ses dernières grandes piècesSa dernière grande pièce pour orchestre sera son ballet Jeux, composé en 1912-1913. pour orchestre. Sa composition fut un travail de longue haleine s’étalant sur plusieurs années. Cette grande pièce en trois parties évoque le folklore imaginaire de trois paysLa pièce Gigues évoque l’Écosse, Ibéria l’Espagne et Rondes de printemps la France.. Ibéria, la deuxième partie mais la première achevéeIbéria est achevée en 1908, Rondes de printemps en 1909, tandis que Gigues, commencée en 1909, reste à l’état de brouillon d’orchestre. C’est André Caplet qui aidera Debussy à terminer la pièce en 1912., renvoie à l’Espagne et reste la plus célèbre des trois. Créée à Paris aux Concerts Colonne en février 1910, elle est incomprise du public. L’œuvre est sifflée et les chahuts empêchent les admirateurs de la réécouter. Elle est pourtant aujourd’hui une des œuvres du compositeur les plus appréciées.
Caractéristiques de l’œuvre
Les Images sont une nouvelle étape dans le langage musical de Debussy, toujours soucieux d’innover. Tourné vers une écriture très précise et détaillée, le musicien se comporte tel un peintre pointilliste usant d’une multitude de points plutôt que de grands coups de pinceaux. La partition, pleine de subtilités, recèle une multitude d’indications. La deuxième pièce Ibéria est conçue en trois tableaux :
Le premier, Par les rues et par les chemins, s’apparente à un rondoalternance entre des couplets et un refrain. Sur un rythme de sevillanaIl s’agit d’une danse populaire espagnole originaire de Séville. joué par les castagnettes et le tambour de basque, le thème principal, élégant et bien rythmé
, est donné une première fois par les clarinettes. Puis il revient régulièrement, orchestré et harmonisé de manières variées, alternant avec plusieurs thèmes qui se succèdent aux différents instruments. On distingue en particulier un thème au hautbois et à l’alto solo, très expressif, que l’on retrouvera dans le tableau suivant. Un épisode central démarre sur un motif énergique des cors, avant le retour du thème principal. Le mouvement s’éteint progressivement dans un long decrescendo.
Le deuxième tableau, Parfums de la nuit, est une sorte de poésie impressionniste. L’orchestration debussyste atteint ici des sommets. L’ouverture est un jardin enchanté de sonorités subtiles : cordes en sourdine, motif aux boishautbois et cor anglais, xylophone, célesta sur fond de tambourin. La suite du tableau peut se diviser en trois parties. Dans la première, le hautbois chante une mélodie déjà annoncée dans le premier mouvement. La deuxième partie est initiée par un nouveau thème au cor, que Debussy veut doux et mélancolique
. Enfin, la dernière partie, plus exaltée, mêle quelques motifs utilisés précédemment.
Le dernier tableau, Le Matin d’un jour de fête, s’enchaîne directement avec la partie précédente. Un joyeux thème de marche est joué par les cordes en pizzicatos, imitant ainsi le son des guitaresDebussy note sur la partition Quasi Guitara et précise même « le violon sous le bras », à la façon d’une guitare.. Dans la partie centrale, un nouveau thème libre et fantasque
semble être improvisé par le violon solo. Il est ensuite repris puis développé par le hautbois.
Si Debussy utilise certaines couleurs locales de la musique espagnole comme les castagnettes ou le tambour de basque, il n’a nullement l’intention de pasticher les mélodies espagnoles. Sa musique a pour but d’évoquer une Espagne imagée, née des rêveries du compositeur, qui n’y a d’ailleurs jamais mis les piedsexcepté un après-midi de corrida à Saint-Sébastien ! L’espagnol Manuel de Falla fut impressionné par l’œuvre de son confrère et sut parfaitement rendre compte du chef-d’œuvre de Debussy : Les échos des villages, dans une sorte de sevillana [le thème générateur de l’œuvre] semblent flotter dans une claire atmosphère où la lumière scintille, l’enivrante magie des nuits andalouses, l’allégresse d’un peuple en fête qui marche en dansant aux joyeux accords d’une banda de guitarras y bandurrias… tout cela tourbillonne dans l’air…
Auteur : Jean-Marc Goossens