Page découverte
- Numéro d'inventaire :
- E.969.3.1
- Ébéniste :
- Antoine Neyen
- Artisan :
- Albert Plicque
- Lieu de fabrication :
- Ourton, Pas-de-Calais
- Date de fabrication :
- 30 juin 1915
Surnommé « Le poilu » par Maurice Maréchal (1892-1964), ce violoncelle est un témoin exceptionnel de la fabrication d’instruments de musique par les soldats mobilisés pendant la Grande Guerre. Ce violoncelle est emblématique en raison de sa facture, mélange de raffinement et de rusticité, de ses réelles capacités de jeu et de sa documentation conservée (photos et carnets de guerre) qui permet de suivre son histoire..
Vues de l'instrument
Extrait musical
L'instrument du Musée de la musique
Histoire
Premier prix du Conservatoire de Paris en 1911, Maurice Maréchal est mobilisé au tout début de la guerre, dès août 1914 ; il a alors 22 ans. Il appartient au 274e Régiment d’Infanterie, qui, engagé dans la bataille de Champagne jusqu’en mars 1915, rejoint le front de l’Artois. Pendant que le régiment se trouve en arrière du front, entre Amiens dans la Somme et Ourton dans le Pas-de-Calais, Antoine Neyen et Albert Plicque, deux soldats du même régiment fabriquent un violoncelle et le donne à Maurice Maréchal . Le 29 juin, Maurice Maréchal note dans son journal de guerre : Ai essayé le cello ce soir avec deux cordes seulement. Il sonne bien, – il est juste. Que dire de cette impression extraordinaire que j’ai eue en jouant le « Clair de Lune
de Werther dans une cour de ferme derrière l’église, assis sur une pierre, – quelques soldats debout en rond.... ». Maréchal note aussi que le violoncelle a un son de viole de gambe.
À plusieurs reprises entre 1915 et 1916, le violoncelliste a l’occasion de se produire en concert, accompagné notamment d’André Caplet, de Lucien Durosoir et d’André Lemoine., devant les généraux du grand quartier général. Sa notoriété de musicien lui vaut de jouer devant généraux et maréchaux ; c’est ainsi que Foch, Mangin, Gouraud, Joffre et Pétain apposent leurs signatures sur la table de cet instrument de fortune. Maréchal passe toute la guerre au front, dans des conditions qu’améliorent ponctuellement les occasions de jouer, sa réputation de musicien et la curiosité qu’attise le caractère insolite de l’instrument. La destinée des deux facteurs du violoncelle est tout autre : ils tombent au combat en Artois, respectivement le 28 septembre et le 2 octobre. .
Dans les années qui suivent la guerre, Maréchal poursuit une carrière de concertiste au plan international. Il enseigne ensuite au conservatoire de Paris entre 1942 et 1963.
Description
Construit par un ébéniste, Antoine Neyen, et par un artisan, Alebert Plicque, à partir de matériaux et outils à leur disposition, cet instrument de fortune emprunte au violoncelle conventionnel ses dimensions générales (longueur de corde vibrante, renversement de la touche…), mais s’en distingue par une facture bien moins raffinée due au contexte de fabrication. La forme de la caisse est simplifiée grossièrement et ses dimensions sont bien plus petites. La volute est assez sommaire. Ni la table, ni le fond, constitués de planches plates, ne sont voûtés La table d’harmonie porte l’inscription gravée « 274e Regt d’infe / en campagne – / Neyen & Plicque / 30.6.1915 », en bas à droite.
Tout au long des combats, l’instrument suit le régiment dans un fourgon de ravitaillement, au-dessus des boîtes de conserve ou déguisé en quartier de bœuf dans un sac à viande
(lettre du général Mangin).
État de jeu
Une copie du violoncelle « Maréchal » a été réalisée par le luthier Jean-Louis Prochasson et jouée lors du concert Deux musiciens dans la guerre enregistré à la Cité de la musique 10 avril 2011.
Sélection
Maurice Maréchal et son « Poilu »
L'histoire de Maurice Maréchal, jeune musicien mobilisé, et de son violoncelle construit au front, est contée à travers les documents d’archives et ressources numérisées de la Philharmonie de Paris.