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Histoires de collections
La collection Louis Clapisson
En 1861, l’achat par l’état de la collection d’instruments de musique réunie par le compositeur et collectionneur Louis Clapisson, est à l’origine de la création du Musée instrumental du Conservatoire Impérial de musique de Paris dont le Musée de la musique est héritier.
Considéré en France comme le pionnier des collectionneurs d’instruments de musique anciens, Louis Clapisson devient le premier conservateur du Musée instrumental.
Entrée successivement au musée en 1861, 1864 et 1935, la collection, composée de pièces de haute curiosité, compte aujourd’hui 323 objets dont 103 sont exposés dans le musée.
LA COLLECTION LOUIS CLAPISSON AU MUSÉE DE LA MUSIQUE
Visite guidée de la collection
La collection Clapisson est exceptionnelle à plus d’un titre et les choix de collecte du compositeur se démarquent des pratiques des collectionneurs de son temps.
Loin de rassembler des instruments anciens signés des grands maîtres, Louis Clapisson porte son intérêt sur des instruments richement décorés de sculptures, peintures, marquèterie et fabriqués dans des matériaux précieux comme l’écaille, l’ivoire, la nacre, l’argent, l’ébène.
Il privilégie des instruments ayant appartenu à des personnalités du monde musical ou politique tels le ténor Fabry Garat, le Comte de Castiglione ou encore la Princesse de Lamballe.
De même, il ne constitue pas une collection pour être jouée : l’insolite du matériau ou de la forme a sa préférence plutôt que la sonorité de l’instrument. Témoin le violon de faïence (E.206) qui rappelle l’engouement pour les instruments en céramique au XIXe siècle. Peu d’intérêt aussi pour la facture contemporaine en pleine évolution, notamment pour ces instruments à vent pourvus désormais de clés ou de pistons.
Néanmoins, l’exploration de la collection révèle quelques pièces à la facture remarquable, signées d’illustres noms à l’instar de la pochette en forme de violon fabriquée par Stradivari (E.76)
Claviers
Quelques instruments à clavier
-
les clavecins de Ruckers Clavecin
Ioannes Ruckers
Anvers
vers 1612, modifié par un anonyme au XVIIIe siècle
E.1 , au couvercle peint par l’anversois Hans Jordaens III, de Faby Clavecin
Faby
Bologne
1677
E.224 , ayant appartenu à Hercule Pepoli, comte de Castiglione, de Marius Clavecin brisé
Jean Marius
Paris
vers 1700
E.5l’un des 5 actuellement connus au monde. -
l’épinette italienne, Épinette
Anonyme
Italie
XVIIe siècle
E.2aux luxuriantes décorations et incrustations ; celle attribuée à Portalupis Epinette
attribuée à Francesco de Portalupis
Vérone
vers 1523
E.3 , pièce unique, incrustée d’ivoire. -
l'orphica de Rölling Orphica
Carl Léopold Röllig
Vienne
Fin XVIIIe siècle
E.6 -
les tympanons dont celui classé monument historique Tympanon
Anonyme
France
XVIIIe siècle
E.7
Tous les claviers
Cordes
Quelques instruments à cordes frottées
-
les violons insolites de Besancenot Violon en cuivre
Besancenot
Dijon
1776
E.279 , Ertl Violon
Karl Ertl
Bratislava
Vers 1850-1860
E.56, ou encore de Couder Frères Violon
Couder Frères
Paris
Vers 1850
E.60 -
les pochettes décorées de Epp Pochette
Mathias Epp
Strasbourg
XVIIe siècle
E.77, celle attribuée à Kolb Pochette
Attribuée à Hans II Kolb
Ingolstadt
1668
E.212, la curieuse pochette éventail Pochette éventail
Anonyme
France
XVIIIe siècle
E.85 -
les basses de violes de Fleury Basse de viole
Benoît Fleury
Paris
1723
E.72et de Jaye Basse de viole
Henry I Jaye
Southwark
1624
E.73 ; la viole d’amour de Klotz Basse de viole
Mathias Klotz
Mittenwald
1732
E.277 ; le dessus de viole de Chiquelier Dessus de viole
Christophe Chiquelier
Paris
1712
E.278 -
la vielle à roue de Louvet Vielle à roue
Jean Louvet
Paris
1750
E.49, et le précieux orphéon Orphéon
Attribué à Cuisinié
Paris
Vers 1735
E.51
Quelques instruments à cordes pincées
-
le Théorbe de Tielk Théorbe
Joachim Tielke
Fin XVIIe siècle
Hambourg
E.27 , la mandore Mandore
Anonyme
XVIIe siècle
Italie
E.222 , le cistre de Deleplanque Cistre
Gérard Joseph Deleplanque
1768
Lille
E.172 -
les guitares de Voboam dont celle en forme de tortue Guitare
Jean Voboam
1693
Paris
E.28 ; de Dumesnil Guitare
Jacques Dumesnil
1648
Paris
E.31 -
la guitare-lyre Pleyel Guitare-lyre
Ignace Joseph Pleyel
1809
Paris
E.23 , peinte par Pierre Guérin ayant appartenu à Fabry Garat ; la «harpolyre» Salomon Guitare à 3 manches dite Harpolyre
Jean-François Salomon
Vers 1830
Besançon
E.272 -
les mandolines milanaises de Fontanelli
-
la harpe ayant peut-être appartenu à la Princesse de Lamballe, classée Monument historique Harpe
Anonyme
Fin du XVIIIe siècle
Paris
E.19 , celle de Holtzmann Harpe
Godefroy Holtzmann
Fin XVIIIe siècle
Paris
E.18
Toutes les cordes
Vents
Quelques instruments à vent de la famille des bois
-
la flûte double de Anciuti Flûte traversière
Giovanni Maria Anciuti
1722
Milan
E.106 , la flûte traversière en cristal de Laurent Flute traversière
Claude Laurent
1809
Paris
E.96 et celle en porcelaine Flûte traversière
Anonyme
XVIIIe siècle
France
E.94 , la flûte colonne de Schratt Flûte colonne
Hans Rauch von Schratt
XVIe siècle
Allemagne
E.127 -
dans la famille des hautbois, notons les productions de Eichentopg Hautbois d'amour
Johann Heinrich Eichentopf
XVIIIe siècle
Leipzig
E.205et de Delusse Hautbois contrebasse
Christophe Delusse
Fin XVIIIe siècle
Hambourg
E.150 -
les clarinettes d’ Amelingue et les 3 cors de basset aux formes surprenantes
-
les bassons Scherer Basson ottavino
Johannes II Scherer
XVIIIe siècle
Butzbach
E.186, ou de Buhner et Keller Basson
Bühner et Keller
Début du XIXe siècle
Strasbourg
E.402
Quelques instruments à vent de la famille des cuivres
-
outre l’important ensemble de 25 cornets à bouquin dont le cornet à bouquin ténor à l'esthétique saisissante Cornet à bouquin ténor
Anonyme
XVIe siècle ?
Italie
E.149 , citons les trompettes naturelles de Haas Trompette naturelle
Johann Wilhelm Haas
1671
Nuremberg
E.219.1 et celle en verre Trompette naturelle en verre
Anonyme
XIXe siècle
France
E.142 -
le cor d'appel Cor d'appel
Anonyme
1420
Italie
E.294, au pavillon orné d'ivoire sculpté -
le cor de chasse Crétien Cor de chasse dit grand cor
Raulin I Crétien ou Raulin II Crétien
Première moitié du XVIIe siècle
Vernon
E.133, au pavillon à motifs dentelés
Percussions
Quelques instruments à percussions
-
le tambour pahu Tambour cylindrique sur pied pahu
Anonyme
Avant 1847
Tahiti
E.319 qui aurait appartenu à la reine Pōmaré. -
l'harmonica de verre Harmonica de verre
André-Charles-Ghislain Deudon ; Jacques-Georges Cousineau ; Georges Cousineau
Vers 1790
Paris
E.318 -
les castagnettes Castagnettes
Anonyme
XVIIIe
France
E.164 en ivoire
Et aussi
-
les instruments-canne dont la splendide canne pupitre Canne pupitre
Boulanger
1785
Saint-Etienne
E.152 -
les instruments de culture non européenne provenant d’ Asie et d' Afrique.
À l'origine du Musée
Un arrêté ministériel du 25 mars 1861 acte l’achat par l’Etat de plus de la moitié de la collection Clapisson (formée de plus de 300 pièces) en faveur du Conservatoire impérial de musique et de déclamation : « […] [Elle] formera un musée instrumental doublement utile à l’histoire de l’art et aux progrès de l’industrie » ( Moniteur Universel, 26 mars 1861 ).
Le 29 mars, Louis Clapisson devient le premier conservateur du Musée instrumental et fait don du reste de sa collection, à l’exception de quelques instruments donnés au Musée Auguste Grasset de Varsy.
Deux salles ouvriront officiellement leurs portes le 17 novembre 1864 : pour la première fois, une collection d’instruments est accessible au public à Paris.
Louis Clapisson continue d’enrichir sa collection, en témoigne le don de 87 instruments qu’il fait au musée en juillet 1864.
En 1934, 9 sifflets entrent au Musée instrumental, très certainement provenant de la collection de plus de 70 sifflets collectés par Clapisson et mentionnés dans l’inventaire de la vente après décès du 12 mai 1866).
Le portrait
Une formation de violoniste
Né à Naples le 5 septembre 1808, Antoine-Louis Clapisson est issu d’une famille originaire de Lyon. Son grand-père paternel y était facteur d’instruments à vent. Son père Antoine Clapisson, corniste professionnel, a dirigé la fanfare militaire de Murat (roi de Naples sous le premier Empire) au début du XIXe siècle. Il est Premier cor au théâtre San Carlo à Naples quand la famille, fuyant les évènements politiques et militaires, s’installe à Bordeaux vers 1815. Le père est nommé Premier cor solo au Grand Théâtre.
Louis commence ses études de violon, fait des tournées de concerts dans le sud de la France et, de retour à Bordeaux, devient Premier violon dans l'orchestre du Grand Théâtre. Le 18 juin 1830, il entre au Conservatoire de Paris dans la classe de François-Antoine Habeneck et obtient un deuxième prix de violon en 1833. Il étudie également le contrepoint et la fugue avec Antoine Reicha. En parallèle de ses études, il occupe le poste de Premier violon au Théâtre Italien et de Second violon à l'Opéra.
Un compositeur d'opéra-comique
À partir de 1832, il s’adonne à la composition de chansons à la mode (évoquant pour nombre d’entre elles un Moyen âge fantasmé) et des chansonnettes comiques. Plusieurs d'entre elles deviennent immédiatement populaires.
Après le succès de son opéra-comique composé en 1838, La Figurante, il abandonne le métier de violoniste pour se consacrer essentiellement à l’écriture de ce genre musical.
Il laisse une vingtaines d’œuvres lyriques dont certaines remportent un vif succès à l’instar de La Promise (1856) et surtout de La Fanchonette (1856).
Une brillante carrière officielle
Louis Clapisson est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1847, et membre de l'Institut en 1854, où il succède à Fromental Halévy, malgré la candidature d’Hector Berlioz. Il devient également membre de l'Academia Imperial das Bellas Artes, à Rio de Janeiro, et est nommé professeur d'harmonie au Conservatoire de Paris en 1862.
Un collectionneur reconnu
Son nom reste associé à sa collection d’instruments de musique à laquelle il se consacre dès les années 1840 et qu’il continuera d’enrichir après sa nomination à la tête du Musée instrumental. Aucun écrit de Louis Clapisson ne permet de retracer l’origine de sa collection. Quelques sources dépouillées par Florence Gétreau donnent des informations sur les conditions d’acquisitions de certaines pièces.
Passionné et éclairé, Louis Clapisson est considéré en France comme le pionnier des collectionneurs d’instruments de musique anciens. Il sût concilier sa passion de collectage et son métier de conservateur et les mettre au service d’un large public.
La bibliographie
Consultables à la Médiathèque de la Philharmonie de Paris :
Articles
-
Florence Gétreau, « Images du patrimoine : collectionneurs d'instruments anciens et ensembles de musique ancienne en France » dans Musique.Images.Instruments, N° 1, 1995, pp. 34-47
-
Georges Migot, « Promenade anecdotique... et musicale au Musée instrumental du Conservatoire de Paris » dans Musica, n ° 34, janvier 1957
-
J. L. Heugel, « Louis Clapisson : nécrologie » dans Le Ménestrel : journal de musique, 33.17, Dimanche 25 Mars 1866, p.133
-
« Petite chronique : un Musée d'instruments de musique au Conservatoire » dans Le Ménestrel : journal de musique, 28.21, Dimanche 21 Avril 1861, p.165
Livres
-
Florence Gétreau, Aux origines du Musée de la musique : les collections instrumentales du Conservatoire de paris : 1793-1993, éditions Klincksieck, RMN, 1996.