Page découverte
Portraits de facteurs d’instruments
Jean Henri Naderman est considéré comme l’un des plus fameux facteurs de harpes français du XVIIIe siècle, connu pour ses instruments somptueusement ornementés, sculptés et dorés. Toute sa carrière, il est resté fidèle à la mécanique de simple mouvement malgré les améliorations apportées notamment par son rival Cousineau. Ses fils, François Joseph et Henri, perpétuent l’utilisation de ce simple mouvement en le promouvant dans la célèbre Méthode raisonnée pour la harpe parue en 1825 et en poursuivant la fabrication de harpes équipées de ce système.
La formation et les débuts parisiens de Jean Henri Naderman (1734-1799) sont peu documentés. Né en Allemagne en 1734, il s’installe pour une raison inconnue à Paris entre 1762 et 1763 où il est désigné comme « ouvrier étranger ». À son mariage avec Marie Elizabeth Maheu le 25 novembre 1764, Holtzman – un facteur de harpes - figure parmi ses témoins. Installé rue de Charenton, c’est en 1766 qu’il prend son brevet de luthier et c’est aux alentours de 1775 que son atelier déménage rue d’Argenteuil. Il devient maître de sa guilde en 1774.
Dès 1772 s’ouvre pour Jean Henri Naderman la période de la faveur royale, si convoitée, où il obtient tout d’abord la fonction de « luthier de Madame la Dauphine ». En 1776, il porte le titre de « luthier facteur de harpes ordinaire du service de la Reine ». Enfin, en 1778, il est nommé luthier de la reine Marie-Antoinette. Sa position fait de lui le facteur le plus prisé de l’aristocratie. Il compte parmi sa clientèle, outre la Reine, Madame Victoire, le comte de Polignac, la comtesse de Duras, la duchesse de la Trémoïlle, les marquises de Maupeou, de Monthalembert, etc. ainsi que de nombreux bourgeois aussi bien à Paris qu’en province.
Jean Henri Naderman reste fidèle, durant toute son activité, aux harpes à pédales à simple mouvement. Même s’il se montre moins créatif que Cousineau, et plus tard Erard, sur la mécanique de la harpe, il produit néanmoins un instrument expérimental et apporte des améliorations à la harpe. Le premier d’entre eux, construit en 1770, est le bissex, guitare luth expérimentale à 12 cordes inventée par Van Heck. À la demande de Jean-Baptiste Krumpholtz, en 1785, il met au point une harpe à renforcement. La même année, il ajoute une huitième pédale qui actionne un mécanisme d’amortissement, c’est la harpe à sourdine. En 1786, la harpe à volets est créée : cinq volets positionnés sur le panneau arrière de la harpe, leur manipulation change la puissance sonore de l’instrument.
Diversifiant ses activités, il achète, le 7 novembre 1777, le privilège d’éditeur et marchand de musique puis se porte acquéreur, à crédit, du fonds de Charles Boyer en 1796. Cette heureuse initiative lui permet de faire fructifier son capital mis à mal par les créances de la couronne et de l’aristocratie. L’accession de ses rivaux Georges et Jacques Georges Cousineau au rang de « luthiers ordinaires de la Reine » en 1783 puis la Révolution française diminuent les recettes de son atelier.
Il meurt le 4 février 1799, laissant, à la suite d’investissement immobilier et au déménagement de l’atelier rue de Richelieu, une dette conséquente à sa seconde épouse Barbe Rose Courtois, mère de ses deux fils : François Joseph et Henri. Barbe Rose prend les rênes de la maison d’édition et de l’atelier de facture avec ses fils jusqu’à sa mort en 1839.
François Joseph (1773-1835) - le plus célèbre des frères en tant que harpiste et compositeur - et Henri (1783-1842) mènent leur carrière de manière remarquable, traversant aisément les différents changements de régime. A partir de 1813, François Joseph est nommé harpiste à la chapelle royale puis harpiste soliste de l’Empereur. À la Restauration, en 1815, Barbe Rose et Henri deviennent facteur du roi et vendeur de musique ; François Joseph compositeur et premier soliste de harpe du Roi. En 1821, ce dernier est élevé au rang de Chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur. Enfin, en 1825, il est nommé professeur au Conservatoire de Paris avec pour adjoint son propre frère. Cette même année, François Joseph fait paraître sa célèbre Méthode raisonnée pour la harpe. Ils imposent, au Conservatoire, l’utilisation de la harpe à simple mouvement que leur atelier est pratiquement le seul à fabriquer à Paris à cette époque.
En effet, depuis 1812, la harpe à double mouvement mise au point par Erard remporte un succès continu. En 1827, s’ouvre une longue et vaine polémique entre François Joseph Fétis, compositeur et critique musical, et Henri au sujet de la supériorité de la mécanique à double mouvement. C’est à la mort de François Joseph, en 1835, que la Conservatoire abandonne définitivement l’enseignement de la harpe à simple mouvement.
Crédits
Illustration de Marie Declerck d’après la gravure de P. Allmer représentant François Joseph Naderman, d’après Speth, Vienne, 1803
Instruments du Musée
Histoire d'instruments
La harpe
Selon une légende gréco-romaine, c’est Apollon, qui, charmé du son que rendait l’arc de Diane en se détendant, aurait ajouté plusieurs cordes, donnant ainsi naissance à la harpe...
Portrait de facteur
Maison Érard
La maison Érard se place au premier plan des facteurs de piano européens, de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Sélection thématique
Livres, revues, dessin technique
Une sélection de documents sur l'histoire et les réalisations de la Famille Naderman consultables à la Médiathèque de la Philharmonie.