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Musiques de Mauritanie Contexte culturel
Quatre groupes ethniques sont représentés en Mauritanie : par ordre d’importance numérique, les Maures arabophones, les Poularophones (Peuls et Toucouleurs de langue peule), les Soninkés et les Wolofs. Ces groupes se subdivisent en sous-groupes hiérarchisés ou spécialisés qui ont souvent des patrimoines musicaux spécifiques. Il est donc difficile de brosser un tableau détaillé des pratiques musicales, d’autant plus qu’elles ont beaucoup évolué depuis l’urbanisation accélérée de ces dernières années. On peut toutefois donner un aperçu du socle traditionnel sur lesquelles elles reposent.
Musiques de cour
Dans toute la Mauritanie, il existe des musiques de cour spécialisées dans l’éloge personnalisé des chefs. Elles sont l’apanage des griotsLes griots sont des musiciens appartenant à des groupes endogames de professionnels. qui s’accompagnent d’un luth (tidinît) commun à l’ensemble des ethnies de la région ouest-sahélienne. Les griots chantent ou déclament les louanges des chefs ; ils incitaient autrefois les guerriers au courage, au mépris de la mort et à la générosité. Ils sont aussi, selon les cas, des amuseurs, des généalogistes, des confidents, des intermédiaires.
La musique traditionnelle jouée par les griots maures est appelée azâwân. Les griots maures peuvent aussi chanter des éloges composés pour eux-mêmes par leurs admirateurs. Chez les Toucouleurs (les Poularophones sédentaires), chaque groupe professionnel (pêcheurs, chasseurs, artisans du bois, etc.) a ses griots spécialisés dans l’éloge avec un thème mélodique spécifique à chacun de ces groupes.
Musiques d’agrément
Les griots savent aussi jouer pour distraire, émouvoir avec de belles histoires, faire danser, animer les fêtes. Mais il existe également des musiques plus populaires jouées le plus souvent par des musiciens non professionnels — sur des thèmes musicaux répétitifs — utilisant les instruments les plus variés. Quelques exemples :
- Musiques d’intimité : les bergers peuls ou maures jouent de la flûte traversière ou oblique. Les cultivateurs peuvent jouer du petit luth monocorde gnaïbra ou une petite vièle monocorde rbab. Chez les Maures, les hommes ont quelque pudeur à chanter en public, mais les femmes le font volontiers le soir entre amies autour d’une percussion.
- Musiques collectives : les femmes maures pratiquent le bandjé, chant collectif généralement accompagné de percussions ; les hommes pratiquent des danses dans lesquelles ils miment des combats avec des bâtons ou des fusils.
Musiques et religion
L’éloge du prophète Mohamed (medh) est une pratique répandue, par exemple chez les griots en début de concert et chez les harâtînLes Harâtîn sont des Maures d’origine négro-africaine. ; ils passent de longues heures, le jeudi soir (la veille du « jour de la mosquée »), à chanter des chants responsoriauxLa forme responsoriale est une forme musicale dans laquelle le chant d’un soliste est repris à l’identique par un chœur. accompagnés de percussions. La famille du prophète y est décrite sous les traits d’une famille noble idéale.
Les marabouts Un marabout est un homme de religion lettré, héréditaire d’une classe sociale. psalmodient des textes religieux sur les mêmes modes que les griots, mais ils refusent de considérer cela comme de la musique, activité profane par excellence.
Musiques urbaines contemporaines
L’urbanisation et la modernisation de la société ont entraîné des pratiques nouvelles et variées, notamment :
- utilisation d’instruments occidentaux comme la guitare, le synthétiseur, les cuivres et la sonorisation ;
- formation d’orchestres inter-ethniques s’appuyant sur les parentés existant entre les cultures musicales locales (modes, rythmes...) ;
- musiques harmonisées sur le modèle international ;
- musiques inspirées de la variété arabe.
Parallèlement, le statut des griots s’est transformé ; désormais ils souhaitent être considérés comme des artistes indépendants.
Auteur : Michel Guignard