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Musique et Nature
Au commencement de la musique, la nature
La Musique est faite des bruits de la nature et des soupirs de l’âme.
Henri de Régnier, poète français.
Depuis toujours, la nature a été source d’inspiration pour de nombreux musiciens. Les premiers hommes n’ont-ils pas été charmés par l’infinité des sons qui les entouraient ? Les chants des oiseaux, le rythme des vagues, la brise dans les arbres, le grondement du tonnerre… La nature est la première musicienne ! Toutes les beautés présentes en son sein ont un jour été mises en musique et peintes par de nombreux artistes. La variété des paysages, des lumières et des couleurs, la poésie des saisons, tous les charmes qui enchantent quotidiennement les oreilles ont souvent été transposés pour le chant et les instruments. De nombreux compositeurs ont su saisir les innombrables splendeurs offertes par la nature. Grâce à la musique, l’évocation de ces images génère une multitude d’émotions. Parmi toutes les représentations de la nature, il suffit de citer Les Quatre Saisons de Vivaldi, la Symphonie n° 6 « Pastorale » de Beethoven, Dans les steppes de l’Asie centrale de Borodine ou encore La Mer de Debussy pour se rendre compte de la fascination qu’elle exerce.
L’imitation de la nature
La nature est déjà présente dès la musique de la RenaissanceXVe et XVIe siècle. Il s’agit avant tout d’une musique descriptive qui s’applique à refléter directement des éléments naturels. Ce sont d’abord les imitations, et particulièrement celles des oiseaux, qui intéressent les musiciens, notamment dans la chanson polyphonique française. Par exemple, Clément Janequin (1485-1558) compose au XVIe siècle Le Chant des oiseaux, Le Chant de l’alouette, ainsi que Le Chant du rossignol. Ces œuvres contiennent de nombreux passages en onomatopéesmots qui imitent ce que l’on désigne, par exemple : « cui cui » pour les oiseaux, chantées au milieu d’autres paroles. Plus tard, la musique baroquede 1600 jusqu’à 1750 environ s’intéresse également à l’imitation de la nature. En Italie, un compositeur comme Frescobaldi (1583-1643) compose un Caprice sur le chant du coucou. Mais ce sont surtout Les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi (1678-1741) qui rendent un premier véritable hommage à la nature. Alors que L’Été expose un coucou (« chanté » par le violon) voletant dans le vent qui se lève, Le Printemps présente trois violons qui imitent les gazouillis d’oiseaux dans la forêt. En France, les compositeurs de l’école de clavecin ont souvent cherché à reproduire les sons de la nature. Citons L’Hirondelle et Le Coucou chez Louis-Claude Daquin (1694-1772), Les Tourterelles chez François d’Agincourt (1684-1758) ou encore La Poule chez Jean-Philippe Rameau (1683-1764). Dans cette dernière pièce, le musicien s’amuse à imiter le caquètement et la démarche particulière de cet oiseau domestique.
La nature au cœur de l’art romantique
Depuis Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), la nature a trouvé de nouveaux contemplateurs. Les artistes l’observent avec un regard différent. À travers les promenades solitaires, l’homme trouve la source de son inspiration au cœur même des grands espaces naturels. C’est un endroit de recueillement et de repos propice aux longues méditations. La nature devient une confidente. En musique, elle apparaît de manière significative chez les compositeurs romantiques. Si les anciens compositeurs évoquaient la nature dans leurs suites, danses ou sonates, ils ne s’imprègnent en réalité guère de verdure, et la considèrent plus comme un cadre esthétique aux passions humaines. Chez les romantiques, elle prend un autre sens. Certains thèmes de prédilection vont hanter l’esprit des compositeurs romantiques. Avec eux, nous entrons dans des forêts peuplées de chasseurs, de fleurs solitaires, d’oiseaux, d’auberges... Le cycle des saisons (avec la Symphonie n° 6 de Beethoven, la Symphonie n° 1 « Le Printemps » de Schumann), les bois (avec Der Freischütz de Weber, les Scènes de la forêt de Schumann, Murmures de la forêt de Wagner), l’eau (avec Les Hébrides de Mendelssohn, La Belle Meunière de Schubert, la Symphonie n° 3 « Rhénane » de Schumann, les Années de Pèlerinage de Liszt, La Moldau de Smetana), la tempête (avec la Sonate pour piano n° 17 de Beethoven, La Tempête de Tchaïkovski), ou encore la nuit (avec les Nocturnes de Chopin) inspireront une multitude de compositeurs ivres d’une nature divine.
Un dialogue constant avec la nature
Les compositeurs Gustav Mahler (1860-1911) et Richard Strauss (1864-1949) ont laissé la nature s’exprimer clairement dans leurs œuvres. Chez le premier, fortement épris de campagne, les sons de nature sont souvent présents. Sa Symphonie n° 1, qui commence par une longue introduction, fait entendre régulièrement le chant du coucou (caractérisé par une quarte descendante). Chez Strauss, nous retrouvons les mêmes affinités pour les grands espaces jusque dans ses dernières œuvresQuatre derniers lieder pour soprano et orchestre. Au XXe siècle, la nature reste toujours au cœur des préoccupations musicales. Un compositeur comme Claude Debussy ira jusqu’à dire : Je me suis fait une religion de la mystérieuse nature
. Il n’y a qu’à entendre Clair de lune, Reflets dans l’eau, La Mer ou le Prélude à l’après-midi d’un faune pour se rendre compte de la source infinie de thèmes que lui procure la nature. De son coté, Albert Roussel (1869-1937) propose un ballet frémissant sur la vie des insectes avec Le Festin de l’araignée. Maurice Ravel (1875-1937) compose ses Jeux d’eau inspirés du bruit de l’eau et des sons musicaux que font entendre les jets d’eau, les cascades et les ruisseaux
. Ces compositeurs font appel à une orchestration pleine d’ingéniosité, légère et raffinée. D’autres grands musiciens comme Igor Stravinski (avec L’Oiseau de Feu, Le Sacre du printemps, Le Chant du rossignol) ou Béla Bartók (avec En plein air, Mikrokosmos, Journal d’une mouche pour piano), en quête de sonorités nouvelles, font preuve d’une grande inventivité pour rendre compte du fourmillement de la nature. Olivier Messiaen va encore plus loin. Passionné par les oiseaux, il en enregistre environ 70 espèces et compose une multitude d’œuvres inspirées par leur chant. Patiemment, il élabore un système complexe et original à partir de ses nombreuses recherches, lui qui considérait que les oiseaux lui avaient tout appris. Si le rapport à la nature a évolué au cours de l’histoire de la musique, tous les compositeurs évoqués montrent comment créer, grâce à la beauté d’un paysage, à la douceur d’un chant d’oiseau ou au bruit des vagues, de grandes merveilles musicales aux sonorités mystérieuses et envoûtantes. Associées aux images qui les ont inspirées, elles n’ont pas fini de nous procurer de multiples émotions, pour le plus grand plaisir des auditeurs.
Auteur : Jean-Marc Goossens
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Morceaux choisis : le bestiaire
Une sélection par le détail d’œuvres du Musée de la musique sur le thème du bestiaire.