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Expositions temporaires du Musée de la musique
BASQUIAT
Soundtracks
Exposition du 6 avril au 30 juillet 2023 - Musée de la musique, Paris
Présentation
La Philharmonie de Paris organise la première exposition consacrée à la relation puissante de Jean-Michel Basquiat à la musique. Donnant à entendre autant qu’à voir, Basquiat Soundtracks s’offre comme la bande-son héroïque, multiple et foisonnante d’une œuvre fulgurante, pour laquelle la musique se révèle une clé d’interprétation essentielle – de Beethoven à Madonna, du zydeco à John Cage, de Louis Armstrong à la Zulu Nation.
Parcours de l’exposition
NEW YORK, NEW WAVES, BASQUIAT ET LES MUSIQUES DE SON TEMPS
Le talent de Jean-Michel Basquiat émerge à New York à la toute fin des années 1970, au sein d’une communauté artistique parmi laquelle la pluridisciplinarité est de mise. Marquée par la radicalité du punk et l’exemple d’Andy Warhol, par le rejet de l’abstraction et du minimalisme ainsi que le refus du conformisme social, cette nébuleuse underground explore le cinéma, la poésie, la photographie, la peinture, la performance, la mode et plus particulièrement la musique. Poète, styliste, auteur d’assemblages d’objets trouvés, Basquiat est ainsi musicien avant d’être pleinement peintre : le groupe Gray, dont il est le cofondateur et leader officieux, partage la scène avec des formations phares de la no wave telles que DNA ou The Lounge Lizards, dont les partis pris esthétiques ne sont pas sans écho avec l’œuvre plastique de Basquiat. Parallèlement, celui-ci subit de plein fouet une autre vague musicale qui, à partir de 1980, déferle sur Manhattan depuis les quartiers du Bronx et de Harlem où elle a éclos : la révolution culturelle du hip-hop qui, uptown, a engendré de nouvelles façons de danser, de faire de la musique et de peindre. Proche de plusieurs acteurs majeurs du mouvement comme Fab 5 Freddy, Rammellzee ou Toxic, Basquiat produit et réalise en 1983 un titre de rap, Beat Bop, et fréquente les soirées où DJ, MC et graffeurs révèlent leur créativité. Dans ses toiles se manifestent alors, notamment par le recours à la photocopie, des procédés d’échantillonnage et de collage comparables à ceux au fondement du hip-hop.
La scène downtown, liberté post-punk
Le contexte socio-économique de New York à la fin des années 1970 permet l’éclosion, dans la partie sud de Manhattan, de plusieurs boîtes de nuit et lofts d’artistes. Les lieux de cette scène downtown servent de repaires à une communauté qui cherche à repenser ses pratiques et à ramener l’art à la vie, et qui trouve entre leurs murs des espaces de socialisation, d’expérimentation et d’exposition. En 1979 et 1980, Basquiat fréquente ainsi assidûment – outre le Mudd Club où il dit avoir « passé toutes [ses] nuits pendant deux ans » – le CBGB, épicentre de la scène punk rock ; le Club 57, espace de performance alternatif animé notamment par Ann Magnuson et Keith Haring ; le TR3 (alias Tier 3), où les groupes no wave alternent avec des formations de free jazz et des projections de cinéma expérimental ; le Squat Theatre, lieu d’avant-garde théâtrale et musicale ; ou encore A’s, le loft ouvert par l’artiste Arleen Schloss, où ont lieu le mercredi des soirées pluridisciplinaires au cours desquelles Basquiat rêve, avec le chanteur Alan Vega, de la possibilité d’une « symphonie métropolitaine » orchestrée à partir de bruits de la ville.
La no wave, espace d’expérimentation
Émergeant dans une ville au bord de la faillite, les œuvres de Basquiat empruntent une partie de leurs supports à des objets de récupération ramassés dans la rue ; elles relèvent d’une forme expressive spontanée et brute qui n’est pas étrangère à la manière dont les musiciens de la no wave, souvent autodidactes, utilisent et détournent leurs instruments. Chargée de références à l’univers urbain, traversée de séries de voyelles qui ont des allures de cri, l’œuvre de ses débuts se révèle animée par une vigueur expressionniste qui n’est pas sans analogie avec l’esprit post-punk cultivant la dissonance, la distorsion et le dérèglement. Ses collages, pour certains transformés en cartes postales, empruntent à la culture du DIY (do it yourself) fondée sur l’appropriation, le détournement des codes et des médias ainsi que la contestation de l’autorité. En 1981, Basquiat occupe ainsi une place centrale dans l’exposition New York / New Wave, organisée au PS1 par le critique Diego Cortez comme une exploration des convergences entre no wave et arts visuels.
TV Party, happening, rock et performance
Lancée en décembre 1978 sur le câble, animée et produite par le journaliste Glenn O’Brien, l’émission TV Party se présente comme un talk-show décalé cultivant humour absurde, happening et dérision politique. Réalisée avec peu de moyens, elle accueille principalement des personnalités habituées du Mudd Club et inclut un orchestre maison dirigé par le violoniste et chanteur Walter Steding. De 1979 à 1982, devant ou derrière la caméra, parfois installé en régie où il utilise en direct le générateur textuel pour afficher à l’écran des aphorismes poétiques, Basquiat est un participant régulier de l’émission ; il dessine plusieurs prospectus annonçant des enregistrements en public dans des boîtes de nuit et prend part à des performances ou discussions en plateau.
Gray, la musique comme expérience
Né de la rencontre entre Jean-Michel Basquiat et Michael Holman à la Canal Zone Party en 1979, le groupe Gray est l’exemple le plus notable de l’inscription de Basquiat dans la scène musicale de New York downtown. D’abord formé avec Shannon Dawson à la trompette, Holman à la batterie et Wayne Clifford au clavier, le groupe passe par plusieurs désignations, dont « Test Pattern » sous laquelle il fait ses débuts, avant de prendre le nom de « Gray » – d’après Gray’s Anatomy (1858), ouvrage médical à l’influence déterminante pour Basquiat. La formation intègre alors Nicholas Taylor à la guitare en remplacement de Dawson. Traitant leurs instruments de manière non orthodoxe et se plaçant sous l’égide de John Cage, les membres de Gray revendiquent une expérimentation sonore tous azimuts. Leader officieux du groupe, Basquiat y joue de la clarinette et du synthétiseur, déclame des textes sur scène et baptise les morceaux de titres qui connaîtront des résurgences dans son œuvre plastique. Gray donne des concerts dans les principaux lieux de la scène downtown tout au long de l’année 1980 avant de se dissoudre ; il ne réalisera aucun album du vivant de Basquiat.
Uptown meets downtown, Basquiat et la déferlante du rap
À partir de 1980, la vague du hip-hop commence à déferler sur le Sud de Manhattan, sous l’effet de plusieurs acteurs et actrices de la scène downtown comme Edit deAk – qui présente à The Kitchen le groupe Funky Four Plus One – ou Fab 5 Freddy – qui organise avec le graffeur Futura 2000 au Mudd Club Beyond Words, l’une des premières expositions consacrées au mouvement, à laquelle Basquiat participe sous le nom de « SAMO© ». Le succès de Rapture de Blondie, chanson dans laquelle Debbie Harry s’essaie au rap, est une manifestation majeure de cette convergence culturelle entre les mouvement no wave et hip hop : aux côtés de Fab 5 Freddy et de Lee Quiñones, Basquiat participe au décor du clip et y tient le rôle du DJ Grandmaster Flash, absent lors du tournage. Au cours de sa vie de noctambule, l’artiste fréquente les soirées organisées au Negril et au Roxy, au cours desquelles officient Afrika Bambaataa et les DJ de la Zulu Nation venus du Bronx mais aussi Nicholas Taylor, son ancien partenaire de Gray converti aux platines, qu’il a lui-même baptisé du nom de « DJ High Priest ».
Beat Bop, Basquiat producteur
L’intérêt de Basquiat pour le hip-hop s’incarne notamment dans son amitié avec Rammellzee, artiste originaire de Queens reconnu pour ses talents de rappeur autant que de graffeur. En 1982, Basquiat contribue à l’organisation d’une soirée au Squat Theatre mêlant graffeurs, break danseurs et DJ, destinée à promouvoir Rammellzee et sa théorie sur le lettrage des tags nommée « ikonoklast panzerism », d’inspiration afrofuturiste. Outre deux tableaux fameux portant le titre de Hollywood Africans, dans lesquels Basquiat se représente en compagnie de Rammellzee et de Toxic, cette proximité entre les artistes se traduit en 1983 par la participation de Basquiat au graphisme d’un film tiré d’une performance donnée par Toxic aux platines et Rammellzee au micro à Los Angeles, ainsi que par sa mise en exergue des talents du rappeur dans Beat Bop, l’unique disque jamais produit et réalisé par Basquiat.
Crew, tags et sampling, Basquiat et la culture hip-hop
Sensible au hip-hop sur le plan visuel autant que musical, Basquiat entretient des liens avec plusieurs acteurs majeurs de cette révolution culturelle. Proche d’artistes tels que Toxic, A-One ou ERO qui lui inspirent de spectaculaires portraits, il s’échappe en 1983 du réseau traditionnel des galeries d’art pour exposer à la Fun Gallery, espace alternatif ouvert par l’actrice Patti Astor afin de mettre en valeur cette nouvelle génération de créateurs urbains. Si elle l’amène à mêler sa couronne emblématique aux tags jusqu’à l’apposer, parfois, à même la rue, l’influence du hip-hop dans l’art de Basquiat se traduit surtout par sa manière d’envisager la photocopie – dupliquée, découpée, répétée – comme échantillonnage visuel, et par un rapport de récurrence aux mots et motifs qui participe de la force compositionnelle de nombre de ses œuvres.
Downtown 81, la pulsation d’une époque
En 1980, conscient du dynamisme de la scène downtown, le critique Glenn O’Brien imagine le scénario d’un film de fiction qui serve de prétexte à immortaliser certaines des principales formations musicales du moment, en studio ou sur scène : DNA, Tuxedomoon, Kid Creole and the Coconuts, James White and the Blacks, The Plastics… Confiée au photographe Edo Bertoglio, la réalisation suit les déambulations d’un peintre et musicien fauché interprété par Jean-Michel Basquiat, le temps d’une journée et d’une nuit. Tourné en décors naturels, notamment au Mudd Club et dans les quartiers en ruines du Lower East Side, le film – initialement baptisé New York Beat – est victime de déboires financiers et reste inachevé jusqu’en 2000, date à laquelle O’Brien et la styliste Maripol, impliquée dans la production à l’origine, le restaurent et le diffusent sous le titre Downtown 81.
SEEING SOUND : IMAGES SONORES ET BRUITS VISUELS
Celles et ceux qui ont visité son atelier se souviennent que pour créer, Basquiat s’immergeait dans un environnement fait de musique de toute sorte, du classique au reggae, mais aussi de sons produits par la télévision ou la radio. Ses œuvres sont chargées d’éléments qui donnent à voir le bruit : onomatopées, engins qui traversent ses toiles, citations de dessins animés, représentations anatomiques qui présentent le corps et ses organes comme émetteurs de sons… Basquiat matérialise les phénomènes sonores selon un vocabulaire graphique qui emprunte parfois aux codes de la bande dessinée ou des films de série B, tout en évoquant la musique par les techniques de composition employées. Les représentations d’antennes, pylônes et autres schémas techniques témoignent également du vif intérêt de Basquiat pour les technologies de la diffusion et de l’enregistrement. Dans cette œuvre visuellement bruyante, les mots occupent aussi une place capitale : marqué par l’influence des écrivains de la Beat Generation, comme William S. Burroughs qu’il fréquente et considère comme son « auteur vivant préféré », Basquiat fait un usage abondant de l’onomatopée et intègre à ses œuvres une forme de poésie verbale qui témoigne de son intérêt pour le langage. Comme Burroughs, il parvient à réduire l’écart entre le visuel et le textuel en recourant à des logiques d’association imprédictibles, fruit d’une pensée affranchie des conventions.
JAZZ, ROIS, ANCÊTRES ET GENIE
De toutes les musiques auxquelles Basquiat se réfère dans sa pratique artistique, le jazz est sans conteste la plus apparente dans son œuvre. Considéré comme une contribution africaine-américaine majeure au domaine des arts, le jazz se présente à lui comme un continuum de réussite et d’excellence noires. Célébrant le génie créatif des musiciens avec l’ambition de dire une partie de leur histoire en remontant jusqu’au berceau du genre, à La Nouvelle-Orléans, Basquiat élabore des œuvres transhistoriques. Loin d’être de simples hagiographies, elles inscrivent le jazz dans une histoire diasporique plus vaste et soulignent les inégalités et le racisme subis par les musiciens inféodés aux règles de l’industrie phonographique.
Particulièrement sensible au be-bop, avant-garde du jazz qui a élargi et complexifié les principes de l’improvisation dans les années 1940, Basquiat se montre hanté par la destinée de l’un des pères fondateurs de ce courant, Charlie Parker (1920-1955), figure du double et du génie foudroyé à laquelle il dissémine des allusions biographiques dans de nombreuses œuvres. Admirateur de la capacité d’invention des musiciens, conscient des enjeux esthétiques propres au genre – notamment la sophistication de l’improvisation comme forme de composition spontanée –, Basquiat s’inspire du jazz dans l’agencement de ses œuvres. Ainsi, il en structure parfois les fonds à l’aide de photocopies, selon des séquences organisées et syncopées à la manière des « grilles » harmoniques sur lesquelles les artistes de jazz développent leurs solos.
DISCOGRAPHIE, LE DISQUE COMME SYMBOLE, TRACE ET RECIT
Basquiat possédait, dit-on, plus de 3 000 disques. Par-delà l’importance accordée à la forme circulaire dans son système symbolique personnel, les disques occupent dans son œuvre une place singulière. L’une de ses pratiques scripturales les plus remarquables est en effet celle de la discographie : Basquiat liste sur toile ou sur papier les titres enregistrés par de grands musiciens de jazz comme Louis Armstrong ou Fats Waller, ou encore les données relatives à la fixation des œuvres de Charlie Parker (recopiant ces informations d’après une édition intégrale des enregistrements du saxophoniste pour la marque Savoy, qu’il possède dans sa collection). Ce procédé, par lequel il s’efforce de déjouer l’ambivalence de l’objet disque – à la fois réceptacle de l’œuvre et bien de consommation –, lui donne l’occasion de célébrer la capacité d’invention des musiciens de jazz qui, prise après prise, par leur maîtrise de l’improvisation, sont capables de décliner leurs interprétations à l’infini. Recopiant des étiquettes de 78 tours, support devenu obsolète, Basquiat souligne le caractère éphémère de la technologie et l’aliénation des musiciens aux maisons de disques, qui se sont approprié leurs œuvres de manière souvent abusive. Mentionnant titres, interprètes, numéros de matrice, références, logos et marques avec minutie, Basquiat révèle la valeur qu’il prête à ces objets : disséminés dans ses toiles sous forme de photocopies, les disques sont érigés à la fois en traces, en fétiches, en mémoire et en testament artistique.
AREA : L’ART DANS LE TUMULTE DES NUITS NEW-YORKAISES
Le 8 mai 1985, Basquiat participe, parmi une vingtaine d’artistes, à une exposition collective organisée à l’Area, boîte de nuit connue pour l’extravagance de ses soirées dont il est un habitué, à la fois comme noctambule et comme DJ occasionnel. Réalisée in situ, sa contribution prend le nom de Klaunstance, d’après une composition de Charlie Parker enregistrée en 1947. Conçue comme un ensemble, l’installation juxtapose plusieurs éléments qui seront plus tard dispersés. Au centre sont disposés vingt-sept parallélépipèdes en bois auxquels est associé un stand de cireur de chaussures sur lequel Basquiat a inscrit puis barré le mot « BRAIN© ». À gauche, un tableau s’inspirant du principe de pentimento (« repentir ») met en résonance le surnom de Charlie Parker, « Bird », et celui de sa fille précocement disparue, « Pree » ; à droite, un grand demi-cercle peint évoque la forme d’un disque ou d’une lune noire. Recouverts de fragments de dessins photocopiés qui empruntent à différents registres de l’univers référentiel de Basquiat, particulièrement au jazz, les « cubes » – traditionnellement associés au jeu, à la logique et à la construction – renvoient au génie propre à la musique noire et à sa capacité à élaborer, par l’improvisation, des œuvres sans fin à partir d’un matériau musical souvent réduit. Ainsi qu’il aimait le faire lorsqu’il se mettait aux platines dans le lounge de l’Area, Basquiat convoque le souvenir de Charlie Parker trente ans après sa disparition et rappelle, au cœur des nuits new-yorkaises, l’importance de sa contribution à la culture américaine.
BASQUIAT ET LES MUSIQUES DE L’ATLANTIQUE NOIR
Basquiat voyagea en Afrique en 1986 afin d’exposer certaines de ses œuvres et en rapporta divers tambours traditionnels qu’il conservait dans son atelier. Son œuvre témoigne de sa conscience des liens entre musiques africaines et africaines-américaines, ainsi que de la manière dont la musique a été pour lui un moyen de dialoguer avec les héritages diasporiques associés à la traite transatlantique des esclaves. Que ses toiles convoquent la figure du vacher noir accordéoniste propre au zydeco, créolisation musicale spécifique à la Louisiane, ou qu’elles relient à travers le temps les ventes aux enchères d’esclaves et le jazz, elles s’inscrivent dans une exploration des formes culturelles nées de la migration forcée des peuples africains par les Européens vers les Caraïbes et les Amériques ; autrement dit, la culture de l’Atlantique noir.
Parmi les sources d’inspiration de Basquiat figure le livre Flash of the Spirit de Robert Farris Thompson (L’Éclair primordial, 1983), qui traite entre autres de la persistance des cultures et traditions africaines aux États-Unis, ainsi que du rôle prépondérant de la musique dans la transmigration des formes culturelles. Basquiat a désigné Thompson comme son historien de l’art favori et lui a commandé un texte pour l’une de ses expositions. Thompson y décrit Basquiat comme un « extraordinaire afro-atlantiste [qui] colore l’énergie de l’art moderne (lui-même redevable à l’Afrique) de ses propres transmutations des motifs et des figurations noirs subsahariens et créoles
».
EROICA : HEROÏSME, MUSIQUE ET MEMOIRE
Réalisés et exposés à New York en 1988, l’année de la mort de Basquiat, Eroica I et II offrent une sorte de coda à la musicalité de l’art de Basquiat et, à certains égards, à sa vie. Peint à l’origine sur une seule et même large feuille de papier, ce diptyque doit son titre à la symphonie n° 3 de Beethoven, dite Eroica (« héroïque » en italien), que son auteur avait dédiée à Napoléon Bonaparte, porteur des idéaux de la Révolution française, avant de se raviser lorsque celui-ci se proclama empereur. Parallèlement à cette allusion au tyran – qui contra la révolution anticoloniale en Haïti et rétablit l’esclavage – et à la tradition musicale savante occidentale, Basquiat utilise le rythme, l’allitération et le langage pour, à partir d’une liste de mots en « B » tirée d’un dictionnaire d’argot africain-américain, faire résonner différentes thématiques : l’identité noire et la diaspora mais aussi la musique, la drogue et le désir, ouvrant une multitude de champs de signification par l’association et l’interprétation. Les aplats tourmentés de peinture bleu-gris rattachent les deux panneaux à la mélancolie du blues, renforcée par la mention des titres F.D.R. Blues et Fixin’ to Die Blues. La répétition du symbole et des mots « Man Dies » (« l’homme meurt ») qui se superposent en transparence, sur le panneau de droite, au signe du dollar convoque le spectre de la mort et de la marchandisation. Cette œuvre tourmentée invite à réfléchir au prix de la célébrité payé par Basquiat et à mesurer l’héroïsme de sa célébration du génie artistique noir – et en particulier de la place occupée en son sein par la musique.
Crédits de l’exposition
- Commissaires : Vincent Bessières, Dieter Buchhart, Mary-Dailey Desmarais
- Cheffe de projet : Marion Challier
- Chargée de production : Claire Gerlach
- Scénographie : Projectiles, Daniel Mészáros, Lucie Leblanc
- Musique et conception sonore : Nicolas Becker
- Conception du contrôle audiovisuel : Johan Lescure, Lex Dromgoole (www.bronze.ai)
- Animation graphique : ACC
- Graphiste : Wa75, Laurent Mészáros, Yorel Cayla
- Eclairage : Abraxas, Philippe Collet
- Traduction : Maggie Jones
- Relecture : Marie Delaby