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Histoires d’instruments : tambours d’Afrique
Les instruments à percussions sont, dès leur apparition, intimement liés à la danse. Les battements de mains ou le piétinement du sol agitent en cadence le corps de l’homme, paré d’ornements sonores : pagnes bruissants, coiffes et bracelets en coques de fruits séchés.
Au fur et à mesure des progrès technologiques, l’homme se dote d’instruments qu’il n’a de cesse de perfectionner : d’abord un simple tronc d’arbre évidé sur lequel on tape, puis une peau tendue sur un fût de bois.
Le tambour est présent aux quatre coins du monde sous une grande diversité de formes et de dimensions.
Les sociétés traditionnelles africaines ont accordé une place privilégiée à cet instrument à percussions. Le tambour n’est pas seulement un instrument de musique : il occupe une fonction sociale, symbolique et est investi d’un pouvoir magique et religieux. Il se pose ainsi en intercesseur entre les hommes et les forces surnaturelles.
Histoire de l’instrument
Danse accompagnée par deux tambours à fente
Ethnie Banda Linda Concert enregistré à la Cité de la musique le dimanche 14 septembre 1997
La question de l’origine des tambours comme celle d’ailleurs des instruments de musique en général demeure un mystère et matière à nombreuses spéculations. Les témoignages les plus anciens proviennent des hautes civilisations du Moyen-Orient où l’écrit occupait déjà une place importante.
La majeure partie des cultures de tradition orale où le tambour incarne encore de nos jours un rôle et un statut important - c’est le cas pour le continent africain - véhicule le plus souvent une conception originelle issue de mythes et de croyances bien éloignée de toute perspective historique et donc de faits attestés.
Le mot « tambour » a de multiples origines linguistiques. Certains spécialistes mentionnent la racine romane tab, dérivé de tap (dont vient le verbe « taper »). D’autres avancent le mot hébreux toph (« taper ») ou encore, les termes persans tambur, tambuck, tabir. Le mot « tambour », du vieux français « tabour » est apparu en France à la fin du XIIe siècle. Il désigne à la fois des tambours à membrane (membranophones)Instrument de musique constitué d’une membrane capable de vibrer, et généralement d’une caisse de résonnance. Le son est produit par percussion, friction, pincement ou action d’un courant d’air. et des tambours idiophonesInstrument de musique constitué d’un matériau entrant lui-même en vibration. Le son est produit par entrechoquement, percussion, pincement, friction ou action d’un courant d’air..
C’est en Egypte et en Mésopotamie que l’on trouve les premiers témoignages de l’existence des membranophones. Un ensemble de fresques provenant de tombes égyptiennes de la XIIe dynastie (vers 2500 avant J.-C.) montre un instrument composé d’un fût en bois (ou en terre cuite) dont l’une des deux ouvertures est fermée par une peau tendue. Il accompagne, avec d’autres instruments (sistres, crotales, trompettes), les rites religieux, les fêtes et les combats.
Dans l’iconographie assyrienne, datant d’environ 1500 ans avant J.-C., des joueurs frappent avec les mains sur des tambours coniquesMembranophone. Très répandu, il varie en taille et en dimension, allant d’une forme de bassine aplatie à un tronc de cône long et effilé. attachés à la ceinture. La peau est clouée sur le fût.
L’art de l’Antiquité gréco-romaine nous lègue quelques représentations de tympanonsEn usage chez les Huns, les Ethiopiens, les Perses, les Parthes, une certaine confusion règne sur l’application de ce terme utilisé jusqu’au XVIe siècle. Tous ces peuples revendiquent l’origine du tympanon et appellent par ce nom des instruments très différents.(tympanum à ne pas confondre avec la cithare sur caisse à cordes frappées comme le santur persan), grands tambours sur cadre circulaire dotés d’une ou de deux peaux et frappés avec la main ou avec une baguette.
Il semble cependant certain que ce sont les peuples d’Extrême-Orient qui apportent aux tambours les perfectionnements, comme en témoignent les reproductions des instruments.
Denke-Denke
Adamou Daouda, tambour d’aisselle kalangou, petit tambour douma. Concert enregistré à la Cité de la musique le samedi 13 mai 2000
Le tambour appartient à la grande famille des instruments à percussions : pour produire un son, l’instrumentiste peut frapper, pilonner, secouer, entrechoquer, frotter, gratter ou pincer les objets.
Les spécialistes distinguent deux familles de percussions : les membranophones et les idiophones.
Les tambours sont communément rangés dans la première catégorie, celle des membranophones frappés mais la question est en réalité plus complexe. Bien que les plus connus et les plus répandus, ils ne constituent en effet qu’une variété parmi d’autres.
Les tambours membranophones se composent de trois éléments : une caisse (ou corps) de résonance, une peau de percussion (simple ou double), un système de tension qui relie les deux précédents éléments. Ils sont le plus souvent classés en fonction de la forme du corps de résonance.
Trois formes principales se dégagent :
- . La forme tubulaire. Cette catégorie, la plus importante, regroupe les tambours cylindriques,En Afrique centrale, le terme ngoma est fréquemment utilisé pour désigner différents sortes de tambours. Leur aspect et leur mode de jeu varient selon les régions. aux côtés droits et dont la taille varie le plus, les tambours coniques, aux côtés inclinés, les tambours en tonneau,Tambour composé d’une peau fixé sur un tonneau par un système de cordage. aux côtés bombés, les tambours d’aisselleLe musicien tient sous son aisselle le tambour. Il exerce une pression avec le bras sur les cordes lacées et tend ainsi plus ou moins les peaux pour modifier la hauteur du son. Il peut notamment produire des glissandi (sons glissés) proches du langage parlé. ou tambours en sablier ont un fût cintré, les tambours en gobelet sont en forme de coupe tandis que les tambours sur pied ont généralement le pied découpé dans le corps même de l’instrument.
- . La forme hémisphérique. Elle caractérise les tambours en vase ou cuvette, dont les timbales sont les plus représentatives.
- La forme circulaire. De cette troisième catégorie font partie les tambours sur cadre,Il est composé d’une ou de deux membranes tendues sur un cadre et souvent pourvu de grelots ou de cymbalettes métalliques (comme le tambourin). dont la peau est tendue sur une armature.
Les tambours à fente, ou tambour de bois, sont des idiophones. Il en va de même pour les tambours d’acier,Les steeldrums (« tambours d’acier »), instruments emblématiques de l’île de la Trinité (dans l’archipel des Caraïbes) sont fabriqués à partir de bidons de pétrole. Plusieurs steeldrums forment un . les tambours de sable,Idiophone. Pratiqué en Ethiopie et en Nouvelle-Guinée, ce tambour se fabrique en creusant un tunnel dans le sable, obturé à chaque extrémité et recouvert d’un pont qu’on frappe avec le plat de la main. les tambours d’eau.En Afrique, il est formé de deux calebasses de taille différente dont la plus grande est remplie d’eau, la plus petite, sur laquelle on frappe, est renversée et posée sur la surface d’eau ; on peut les accorder en remplissant plus ou moins d’eau la calebasse. En Nouvelle-Guinée, c’est un vase avec un couvercle que l’on remplit d’eau.
Les tambours à frictionIl comprend un fût avec une seule peau au centre de laquelle est attachée une tige de bois ou de mèche ; le musicien, après avoir mouillé sa main, frotte cette tige en un mouvement rythmique. La hauteur des sons varie selon la tension de la tige. sont, quant à eux, non pas frappés mais frictionnés, soit directement avec les doigts, soit, le plus souvent, avec une corde ou une tige.
Simple ou double, la peau tendue est, le plus souvent, de chèvre ou d’agneau, parfois d’âne ou de buffle, plus rarement de reptile, de poisson, de requin ou d’éléphant. De nos jours, les matières synthétiques sont de plus en plus utilisées.
La membrane peut être collée, clouée, chevillée, ou lacée de différentes manières.
La sonorité des tambours est d’une grande diversité, en fonction des formes, des dimensions, de la qualité de la peau. Mais plus encore, la grande variété de techniques de percussion enrichit et multiplie les possibilités sonores de l’instrument : la frappe peut se faire, avec la main - paume, doigt, poignet - avec des baguettes – fines, épaisses, garnies de feutre, cuir, caoutchouc ou ébonite –, avec des végétaux - herbes, feuilles - et même des queues d’animaux.
Les tambours du Burundi
Les tambours du Burundi Concert enregistré à la Cité de la musique le mardi 23 octobre 2007
Les tambours africains sont communément et improprement désignés par le terme populaire tam-tam. Pour les spécialistes, le tam-tam ne désigne que les tambours idiophones.
Les tambours présentent une telle richesse de formes, de tailles et de modes de jeu, selon les pays, les régions, les populations qu’il est impossible de les décrire tous. Quelques types fréquemment rencontrés en Afrique peuvent cependant être mentionnés :
- . Les grands tambours cylindriques – parmi les plus répandus (avec les tambours d’aisselle) - sont fabriqués sur toute la longueur d’un tronc d’arbre évidé muni d’une peau de chèvre ou d’antilope. À ce type appartient : le ngoma d’Afrique centrale. Certains grands tambours du Cameroun sont attachés à une perche afin d’être maintenus droits pour le jeu, d’autres sont inclinés.
- . Les tambours en sablier ou tambours d’aisselle, de forme cintrée sont composés de deux peaux reliées et tendues par un laçage de corde. Le kalungu, frappé avec une baguette courbe, est employé par diverses populations d’Afrique occidentale et peut imiter les sonorités du langage parlé.
- . Les tambours coniques sont de taille et de formes très variables : le ntenga d’Ouganda est à deux membranes mais on ne joue que sur la plus grande. Le sabarMembranophones coniques. Les tambours qui composent cet ensemble peuvent être ouverts ou fermés à la base. Les sons émis varient selon la taille et la forme du sabar qui est frappé alternativement avec une main et une baguette (galan). du Sénégal, fabriqué et joué par le peuple Wolof, Peuple vivant au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie. La langue Wolof est parlée par près de 80% des Sénégalais. désigne un ensemble de cinq tambours.
- . Les timbales,Instrument à percussion frappée, de la famille des membranophones. Une membrane unique est tendue sur l’ouverture d’un fût ou d’un récipient hémisphérique. Présentes dans l’ancienne Égypte, les timbales sont répandues dans tout le continent africain, dans une grande variété de formes et de dimensions. Le terme semble devoir ses origines à plusieurs appellations : le ntumpane du peuple AshantiPopulation vivant dans la zone forestière du Ghana. Avec les Fanti, les Ashanti forment 40% de l’ensemble Akan du Ghana (les Akan occupent la majeure partie du Ghana et le quart sud-est de la Côte d’Ivoire). Les Ashanti, comme la plupart des Akan, sont organisés en royaumes, avec une double royauté, masculine et féminine. L’appartenance de chaque individu à son lignage - qui définit la passation des biens et des fonctions - est transmise par la mère.
d’Afrique équatoriale, l’atugban ou atumpan (désignant le tambour « parleur ») ou la timbana de Côte-d’Ivoire en calebasses, en terre cuite, en bois ou en cuivre sont particulièrement répandues dans les populations musulmanes, sur tout le continent. Elles peuvent être jouées par les femmes (comme chez les Touaregs du Niger). - . Les tambours à fente ou tambours de bois (tam-tam) sont fabriqués à partir d’un morceau de bois ou de bambou qui est creusé à partir d’une fente.
Depuis une cinquantaine d’années, le djembe,Comme beaucoup d’autres tambours (les tambours coniques par exemples), le timbre du Djembe peut être enrichi en fixant latéralement des sonnailles métalliques munies d’anneau. tambour constitué d’une seule pièce en forme de gobelet et fermée par une peau de chèvre ou d’antilope, est l’objet d’une incroyable médiatisation. À la mode, il est parfaitement intégré dans la musique de variété, le jazz, la world music, les bagads bretons… Les premières méthodes de jeu écrites sont apparues.
Beaucoup de tambours africains sont remarquablement décorés. La variété de leur ornementation témoigne de l’importance accordé à cet instrument et révèle un art d’une grande finesse.
Les plus beaux exemplaires sont conservés dans les collections publiques ou privées, comme les tambours sur pied d’Afrique occidentale dont le corps et les « pieds » sont sculptés dans un style anthropomorphe. D’autres sont décorés de figurines animales. Certains sont parfois polychromés ou pyrogravés.
Les motifs d’une très grande diversité, exécutés avec le plus grand soin et la plus grande adresse, peuvent être purement décoratifs mais ont souvent une signification symbolique.
Orchestre du xylophone kponingbo des Zandé
Honoré-Gabin Mbouhoudié dit Odascho, tambour de bois Concert enregistré à la Cité de la musique le samedi 29 mai 1999
Dans les sociétés traditionnelles africaines, les tambours jouent un rôle prépondérant. Instruments de musique, ils rythment bien sûr les chants et les danses les jours fêtes mais ils occupent aussi d’importantes fonctions rituelles et sociales. Ils ponctuent des moments de la vie quotidienne, accompagnent également les cérémonies : naissance, mariage, funérailles, guerre, chasse, rituels.
Lorsque la musique se fait langage, les tambours deviennent de véritables outils de communication à distance. Instruments « parlants », ils transmettent des messages selon des codes très précis : tel rythme retentira pour appeler les hommes à la construction de chemins ruraux ; lors du décès d’un membre d’une famille royale d’Afrique occidentale, le nom du défunt sera épelé dans un message tambouriné : les sons modulent suivant la tension des membranes. C’est le cas du kalungu du Nigeria.
Le tambour à fenteLes tambours à fentes, appartiennent à la catégorie des idiophones, instruments dont le son est produit par le matériau qui les constitue, et non par l’intermédiaire d’une membrane tendue. Creux, en bois ou en métal, munis d’une ou de plusieurs fentes percutées à l’aide de baguettes, de bâtons, de plaques, ils peuvent être frappés à l’intérieur ou à l’extérieur. ou tambour de bois, communément appelé tam-tam, peut transmettre des messages à plusieurs dizaines de kilomètres. Il possède des ressources acoustiques insoupçonnables. Muni de languettes, comme au Cameroun, il produit deux sons différents qui peuvent correspondre à certaines langues parlées en Afrique.
L’instrument peut être investi d’une valeur hautement symbolique. C’est le cas des grands tambours du BurundiDans le dialecte kirundi, le tambour est appelé ingoma, qui signifie « règne » mais aussi « nation ». Objet sacré, il était traditionnellement joué par des initiés à la Cour royale lors de cérémonies d’intronisation ou de semailles. Depuis les années 60, les Maître-Tambours, ensemble composé d’une quinzaine de musiciens, parcourent le monde pour montrer leurs rites, dans des manifestations spectaculaires. à peau de vache, qui incarnent la force et le pouvoir. Ils ne sont en effet joués que pour le roi.
Le ntumpaneMembranophones de forme cylindrique, d’une longueur de tronc évidé, à une seule peau. du Bénin est un ensemble de deux grands tambours joués le plus souvent à mains nues, exclusivement par les hommes : ils sont le signe et le symbole de la puissance du chef ou du clan.
Chez les Bakuba, peuple du Congo, le tambour est un des emblèmes constituant le trésor du chef et, à ce titre, est conservé dans de la poudre rouge et enveloppé dans du raphia, à l’abri des regards.
Chez les Batshioko de l’Angola, de petits tambours magiques suspendus au-dessus de la porte protègent les habitants contre le mauvais esprit, le rapt. Le mukupiela (tambour double) et le ngoma (tambour long) sont joués lors des cérémonies d’initiation ou pendant l’opération de la circoncision pour couvrir les cris des enfants.
Ces quelques exemples montrent la multiplicité et la complexité des fonctions attribuées aux tambours, dans un tout autre contexte que musical.