script
Page découverte
Œuvre
La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
Beaumarchais
Beaumarchais, entre déboires et comédies
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), né Caron, est un dramaturge aux multiples facettes : ses talents d’horloger lui permettent, au début de sa vie, de se faire connaître à la Cour où il s’attire les faveurs des filles du roi et de sa favorite, la Marquise de Pompadour. Il multiplie les expériences professionnelles, se marie, commence à écrire, s’achète une charge et est anobli. Associé à un riche financier, il fait fortune mais des troubles judiciaires et de fausses accusations le conduisent en prison. Innocenté mais déchu de ses droits, Beaumarchais s’exile en Angleterre. Un peu plus tard, il se met au service du roi Louis XV puis de Louis XVI comme espion dans l’idée d’être réhabilité. Il atteint son objectif et revient en France ; là, il fonde la Société des auteurs dramatiques (1777) et apporte un soutien financier aux insurgés américains. Dans le même temps, il écrit des pièces et connaît le succès avec Le Barbier de Séville en 1775 puis avec Le Mariage de Figaro en 1784, comédie qu’il a dû remanier pour échapper à la censure. Son engagement durant la Révolution est remis en question : il quitte la France après un court séjour en prison. À son retour, en 1795, il continue de s’investir dans de nombreux domaines (inventions, politique…) jusqu’à sa mort en 1799.
Carte d’identité de l’œuvre
Carte d’identité de l’œuvre : La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro de Beaumarchais |
|
Écriture | 1778 |
Première représentation publique | 27 avril 1784 au Théâtre-Français (Comédie-Française) |
Forme | pièce en prose en 5 actes |
Registres | comique, satirique, pathétique |
Personnages
Personnages :
- Le comte Almaviva, grand corrégidor d’Andalousie
- La comtesse, sa femme
- Figaro, valet de chambre du Comte et concierge du château
- Suzanne, première camaristeterme utilisé par Beaumarchais pour « camériste », probablement pour colorer le texte, selon le mot espagnol camarista puisque l’action se déroule en Espagne de la Comtesse et fiancée de Figaro
- Marceline, femme de charge
- Antonio, jardinier du château, oncle de Suzanne et père de Fanchette
- Fanchette, fille d’Antonio
- Chérubin, premier page du Comte
- Bartholo, médecin de Séville
- Bazile, maître de clavecin de la Comtesse
- Don Gusman Brid’oison, lieutenant du siège
- Double-main, greffier, secrétaire de Don Gusman
- Un huissier-audiencier
- Gripe-soleil, jeune pastoureau
- Une jeune bergère
- Pédrille, piqueur du Comte
Personnages muets :
- Troupe de valets
- Troupe de paysannes
- Troupe de paysans
Intrigue
Le matin de leurs noces, Suzanne annonce à Figaro, sur un ton léger et badin, que le Comte Almaviva a l’intention d’abuser de son statut de seigneur pour la courtiser. Offusqué, le malicieux valet entreprend de confondre son maître par un stratagème, tout en conservant la dot que le comte avait promise à sa fiancée.
Les ruses, tromperies et coups de théâtre se succèdent tout au long de cette folle journée : les personnages, animés par leur passion, leur désir et leur jalousie conspirent et œuvrent pour que chacun arrive à sa fin. Après maints rebondissements, Figaro et Suzanne, aidés par la Comtesse, finissent par obtenir gain de cause et se marient.
Contexte d’écriture et réception de l’œuvre
C’est à la demande du prince de Conti que Beaumarchais entreprend l’écriture de la suite du Barbier de Séville : le succès de son personnage Figaro – à bien des égards son double – suscite une attente et un intérêt. La pièce La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro, qui égratigne les puissants, est écrite en 1778 ; le texte circule dans de nombreux cercles, ainsi qu’à la cour mais Louis XV s’oppose à sa publication. Beaumarchais doit remanier sa pièce (gommer certains passages dont des allusions directes au roi, déplacer l’action de France en Espagne) pour obtenir des censeurs l’autorisation de la faire jouer.
La première représentation aura lieu en privé en 1783 et c’est le 17 avril 1784 qu’elle sera jouée en public au Théâtre-Français : c’est un grand triomphe en France comme en Europe, même si les détracteurs de Beaumarchais continuent de la calomnier. Ces polémiques ont peut-être contribué à son succès – elle sera jouée 67 fois.
Elle inspirera Mozart qui crée, en 1786 au Burgtheater de Vienne, l’opera buffa« opéra bouffe » en français, c’est-à-dire opéra traitant d’un sujet comique. Il s’oppose ainsi à l’opera seria Les Noces de Figaro.
Zoom sur la première scène
La scène d’exposition de la pièce plonge le spectateur dans l’intimité de Suzanne et Figaro qui s’entretiennent sur un ton plaisant et léger le matin de leurs noces : le sentiment amoureux (ma charmante
, mon fils
) parcourt leurs répliques qui pourraient parfois sembler un peu mièvres (Oh ! Que ce joli bouquet virginal, élevé sur la tête d’une belle fille, est doux, le matin des noces, à l’œil amoureux d’un époux !
, ma petite Suzanne
, ce petit chapeau
) si le sujet que s’apprête à aborder Suzanne n’était pas grave et sérieux.
En effet, très rapidement, Suzanne entreprend d’annoncer à son futur époux que le Comte Almaviva veut abuser d’elle ; malgré la gravité de cette situation, le ton reste léger et le registre comique. Dans un premier temps, les stichomythiesAu théâtre, succession de répliques du dialogue sur un seul vers. Lorsque la pièce est en prose : succession de courtes répliques. dénotent une certaine hésitation de la part de Suzanne mais sont perçues comme un jeu de « devinettes » par Figaro qui se montre vraiment naïf. En effet, le fidèle valet est occupé à mesurer la chambre que le couple va bientôt occuper pour l’aménager : le lieu de la première scène n’est pas anodin. On peut en effet y percevoir comme une annonce du nœud de l’action : la chambre est le lieu de l’intimité, de la consommation du mariage à venir pour Figaro, mais le lieu de l’adultère pour Suzanne. À ce moment de l’intrigue, elle est simplement meublée d’un fauteuil de malade
(ainsi qu’il est précisé en didascalie), dans l’attente du lit donné par le Comte. Par quelques onomatopées bien choisies et calquées sur celles de Figaro (zeste
, crac
), Suzanne révèle à son futur mari que ce qu’il prenait pour de la générosité de la part du Comte n’est autre qu’une manigance pour obtenir les faveurs de la jeune camaristeterme utilisé par Beaumarchais pour « camériste », probablement pour colorer le texte, selon le mot espagnol camarista puisque l’action se déroule en Espagne. Lorsque Figaro comprend le dessein de son maître, il se montre virulent et change de ton face à Suzanne qui le provoque (Tu ris friponne ! Ah !
). Cette annonce a l’effet d’un révélateur pour Figaro : le sentiment amoureux laisse place à celui de la jalousie qui éveille immédiatement chez le futur marié ruses et stratagèmes : le spectateur retrouve le valet plein de ressources, prêt à déjouer les plans de son maître (attraper ce grand trompeur
, intrigue et argent : te voilà dans ta sphère
). La scène se clôt par l’annonce du dessein de Figaro qui va constituer le cœur de l’intrigue : comment garder la dot promise et confondre le Comte qui veut user d’un droit qu’il avait lui-même aboli ?
Auteure : Céline Benech-Labat