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Les Noces de Figaro Wolfgang Amadeus Mozart 2. Les personnages
Un opéra composé pour des chanteurs prestigieux
En 1783, l’empereur Joseph II fait recruter par son ambassadeur à Venise d’excellents chanteurs : il s’agit de Michael O’Kelly, Francesco Benucci, Nancy Storace, Stefano et Maria Mandini, ainsi que Francesco Bussani. Ces chanteurs acquièrent très vite à Vienne une notoriété telle que les compositeurs – et en particulier Mozart – veulent écrire spécialement pour eux. Mais Wolfgang peine à trouver l’histoire qui conviendrait : J’ai bien parcouru cent livrets, seulement je n’en ai pas trouvé un seul dont je pourrais me satisfaire
, écrit-il à son père. Un de ses opéras inachevés, Lo Sposo deluso, comporte déjà les noms des chanteurs nouvellement arrivés, qu’il rêve de faire chanter. Le nouvel opéra qu’il entreprend avec passion va lui permettre d’employer les talents de ces différents artistes. L’un d’entre eux, Michael O’Kelly, témoigne d’ailleurs dans ses mémoires : Jamais à l’opéra il n’y eut distribution plus brillante. J’ai vu l’œuvre représentée à différentes époques et dans d’autres pays, et fort bien, mais rien n’est comparable à l’original, pas plus que la lumière et l’ombre. Tous les interprètes de la première bénéficièrent des indications du compositeur, qui transfusa dans leur esprit sa pensée inspirée.
Mozart a en effet su insuffler à ses chanteurs la psychologie des personnages de Beaumarchais, dont il connaissait si bien la pièce d’origine. Mais il a su aussi se saisir parfaitement des possibilités de chacun des artistes devant créer Les Noces. Dans les airs en particulier, chaque chanteur peut ainsi développer son personnage et exposer ses doutes, ses faiblesses, ses désirs de vengeance… et ses propres capacités techniques ! Les groupes vocaux sont cependant souvent plus importants que les airs eux-mêmes : les effectifs varient ainsi du duo au septuor, dans des finales d’actes où ces différentes combinaisons sont savamment dosées, afin de reproduire fidèlement – mais en musique – le crescendo particulier à la « folle journée » pensée par Beaumarchais.
Les personnages principaux
Figaro
Figaro est le valet de chambre du comte Almaviva. Lorenzo da Ponte et Mozart ont respecté l’essentiel du personnage tel que Beaumarchais lui-même le présentait dans la version imprimée de sa pièce : il est d’une raison assaisonnée de gaieté
, et si l’acteur en faisait un peu trop dans le genre comique, il avilirait le rôle
. Constamment de bonne humeur, le personnage de Figaro fait aussi preuve d’ironie envers le comte. De nature indépendante, il ne veut pas se laisser abuser par son maître et déploie une grande énergie tout le long de l’opéra : contrairement aux autres valets des opere buffe, il n’est pas un domestique servile, mais plutôt un rival de son maître.
Francesco Benucci, auquel Mozart a destiné le personnage de Figaro, possède une belle voix sonore, qui peut s’entendre au-dessus de tous les instruments de l’orchestre jouant ensemble, tout en ayant une grande présence scénique. Mozart lui taille donc un rôle sur mesure, écrit spécialement pour sa voix de basse.
Suzanne
Suzanne est caméristefemme de chambre de la comtesse Almaviva, et fiancée à Figaro. Femme d’une grande intelligence et débrouillarde, elle se montre vive et espiègle, et ouvre les yeux de son futur mari sur la vraie nature du comte, qui cherche à la séduire. Elle chante d’abord beaucoup dans les ensembles vocaux, avant de s’affirmer individuellement dans son premier air « Venite inginocchiatevi », chanté pianissimo. Son espièglerie se révèle vers la fin de l’opéra dans l’air « Deh vieni, non tardar, o gioia bella », où elle fait croire à Figaro qu’elle attend le comte. Il s’agit d’un des personnages féminins à la psychologie la plus affinée des opéras de Mozart.
Ce rôle très vivant est joué par Nancy Storace, née à Londres de père italien et de mère anglaise, grande vedette engagée à Vienne et que Mozart a sans doute aimée (mais la soprano a malheureusement détruit toutes les lettres qu’elle avait reçues de Wolfgang !). Francesco Benucci et Nancy – qui a 21 ans en 1786 – sont les deux « stars » chanteurs de l’époque de Mozart : ils obtiennent donc les deux rôles principaux de l’opéra.
Le comte Almaviva
Le comte n’occupe pas le premier rôle dans cet opéra : ce sont ses domestiques, plus intelligents et rusés que lui, qui mènent la danse ! Séducteur, volage, trompant son épouse, il cherche à empêcher le futur mariage de Figaro et Suzanne, tant il désire cette dernière.
Le créateur du rôle, Stefano Mandini, a déjà chanté dans Il Barbiere di Siviglia de PaisielloGiovanni Paisiello (1740-1816), compositeur italien. La voix de Mandini, choisi par Mozart, est plus claire que celle de Figaro – ce chanteur pouvait aller jusqu’à chanter les parties de ténor – : on dirait aujourd’hui qu’il s’agit d’une voix de barytonÀ l’époque de Mozart, ce terme n’existe pas pour désigner une tessiture de voix.. Quand les voix de Figaro et du comte chantent ensemble, le comte se situe en effet toujours dans un registre supérieur à Figaro.
La comtesse Almaviva
La comtesse est délaissée par son mari qui la trompe ouvertement avec d’autres femmes. Son premier air « Porgi amor », à l’acte II, est teinté de mélancolie tant elle regrette que le comte ne lui porte plus le même amour qu’autrefois. La première interprète du rôle, la soprano Luisa Laschi-Mombelli, tout comme Stephano Mandini, a déjà chanté dans Il Barbiere de Paisello. Agée de 26 ans, elle donne l’image d’une comtesse séduisante, qui saura reconquérir le cœur de son époux volage. Luisa chantera aussi dans la reprise à Vienne de Don Giovanni de Mozart, en 1788.
Les personnages secondaires
Marceline
Marceline est la gouvernante du château. Elle cherche elle aussi, tout comme le comte, à empêcher le mariage de Figaro, qu’elle veut épouser à tout prix. Elle découvre au fil de l’opéra, et par un retournement spectaculaire, qu’elle est la propre mère de Figaro ! Le rôle est créé par la soprano Maria Mandini, femme de Stefano Mandini.
Bartholo
Bartholo est le médecin et complote, tout comme Marceline, pour faire échouer le mariage de Figaro.
Antonio
Antonio est le jardinier, et aussi l’oncle de Suzanne. Les deux rôles (Antonio et Bartholo) sont joués lors de la création par Francesco Bussani. Plus âgé que les autres chanteurs – il a 43 ans en 1786 &ndash, il doit aussi exercer à l’opéra le métier de régisseur et de responsable des costumes. Doté d’une belle voix de basse, Bussani chantera quelques années plus tard le rôle du Commandeur, dans l’opéra Don Giovanni de Mozart.
Barberine
Barberine est la fille d’Antonio, le jardinier. Ce rôle est joué lors de la première par une enfant de douze ans, Anna Gottlieb, fille de deux acteurs. Mozart apprécie en effet les dons exceptionnels de la fillette, dont il a été professeur de chant, et lui destine donc ce rôle écrit sur mesure. Il se souviendra encore de la jeune fille cinq ans plus tard : elle sera, à 17 ans, Pamina, dans La Flûte enchantée.
Don Bazile
Don Bazile est le maître de musique.
Don Curzio
Don Curzio est le juge. Les deux personnages (Don Curzio et Don Bazile) n’intervenant pas en même temps sur scène – tout comme Bartholo et Antonio ‐, ils sont joués par un seul chanteur, Michael O’Kelly, âgé de 24 ans. Né à Dublin, celui-ci apprend le chant et la composition avant de faire carrière en Italie, tout comme Nancy Storace. Il reste quatre années à Vienne, engagé par l’empereur comme le reste de la troupe. Il est applaudi à la fois pour ses talents d’acteur et de ténor. Les deux personnages incarnés par O’Kelly sont secondaires dans l’opéra : c’est sans doute par amitié pour lui que Mozart écrit pour le rôle de Don Bazile un air au quatrième acte, afin de mettre en valeur la voix du ténor.
Auteur : Bruno Guilois
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