Page découverte
Prélude à l’après-midi d’un faune Claude Debussy
Carte d’identité de l’œuvre : Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy |
|
Genre | musique symphonique : poème symphonique (d’après le poème L’Après-midi d’un faune de Stéphane Mallarmé) |
Composition | entre 1892 et 1894 |
Dédicataire | Raymond Bonheur (compositeur français) |
Création | le 22 décembre 1894 à la Société nationale de musique à Paris, sous la direction de Gustave Doret |
Forme | œuvre en un seul mouvement |
Instrumentation | bois : 3 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons cuivres : 4 cors percussions : crotales (cymbales antiques) cordes pincées : 2 harpes cordes frottées : violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses |
Genèse de l’œuvre
À l’époque de l’écriture du Prélude à l’après-midi d’un faune, Claude Debussy a trente ans et se montre peu soucieux de sa réussite auprès du public. Il refuse d’écrire pour complaire à ses contemporains, et n’aspire qu’à trouver son langage. Il fréquente les salons et les cafés littéraires où se côtoient musiciens, critiques, peintres, poètes ou grands amateurs d’art. C’est à cette période qu’il travaille sur deux œuvres phares de son répertoire, deux œuvres qui ouvriront la voie à la musique du XXe siècle : le fameux Prélude à l’après-midi d’un faune, qui sera créé le 22 décembre 1894, et l’opéra Pelléas et Mélisande qu’il mettra encore de nombreuses années à composer et qui révolutionnera le monde de l’opéra – les œuvres de Claude Debussy sont toujours le fruit d’une longue maturation, et souvent de plusieurs années de travail.
Réception de l’œuvre
Lors de sa création à la Société nationale, le Prélude remporte un tel succès que le chef, Gustave Doret, doit le faire jouer une seconde fois. En revanche, l’accueil des critiques est moins chaleureux : dans Le Figaropropos de Charles Réty, extraits de Claude Debussy de François Lesure, éditions Fayard, mai 2003, p. 158, on peut lire que pareilles pièces sont amusantes à écrire, mais nullement à entendre
, ou dans un autre journal, Le Soleilpropos de Auguste Goullet, extraits de Claude Debussy de François Lesure, éditions Fayard, mai 2003, p. 158, qu’on a trouvé l’œuvre indigeste
. Mais c’est l’auteur du poème qui a inspiré Debussy, Stéphane Mallarmé, qui lui rend le plus bel hommage en lui écrivant qu’à la différence de son texte, le Prélude allait bien plus loin, vraiment, dans la nostalgie et dans la lumière, avec finesse, avec malaise, avec richesse…
. L’œuvre touche également particulièrement le danseur et chorégraphe Vaslav Nijinski qui crée un ballet sur le Prélude en 1912.
Sur un poème de Mallarmé
Stéphane Mallarmé (1842-1898) reçoit depuis 1877 dans un petit salon, rue de Rome, à Paris, des personnages tels qu’Édouard Manet, Émile Zola, Paul Verlaine, et encore bien d’autres parmi lesquels Claude Debussy.
Quand Mallarmé crée un poème autour du personnage d’un faune qui monologue entre rêve, réflexions, et souvenirs d’amour de nymphes, il se voit fermer les portes d’institutions comme le Théâtre français ou la revue Le Parnasse contemporain. Mais son poème inspire les jeunes artistes de la « modernité », dont il est le fervent défenseur : Édouard Manet réalise en 1876 des illustrations pour L’Après-midi d’un faune, et Claude Debussy, à travers sa musique, cherche à exprimer l’impression générale du poème
.
Un prélude ?
En musique, un prélude est une pièce qui introduit une œuvre plus importante. Johann Sebastian Bach en écrit de nombreux au début du XVIIIe siècle, dans ses suites ou ses sonates pour instruments seuls, ou associés à des fugues. Plus tard, au XIXe siècle, Wagner remplace l’ouverture traditionnelle des opéras par des préludes.
Le projet initial de Debussy est d’écrire un triptyque : Prélude, Interlude et Paraphrase finale pour l’Après-midi d’un faune, avant de se contenter du seul Prélude. Mais pour le compositeur, et avant lui, Frédéric Chopin, le prélude est devenu une œuvre instrumentale indépendante, souvent brève, qu’ils affectionnent tous deux particulièrement pour la liberté de forme qu’il offre.
La partition
Au XIXe siècle, les compositeurs aiment employer des orchestres très importants, dans lesquels les instruments à vent sont fréquemment par pupitre de quatre4 flûtes, 4 clarinettes, 4 cors, etc.. Par son choix dans la composition de l’orchestre, Claude Debussy se démarque déjà de ses prédécesseurs en privilégiant un orchestre plus intime, dans lequel il va particulièrement mettre en valeur le timbre des instruments de la famille des boisflûte, hautbois, clarinette, basson et d’un cuivre qui leur est souvent associé pour son timbre évocateur de la nature, le cor.
Dans la mythologie romaine, les faunes correspondent aux satyres grecs, c’est-à-dire à des êtres mi-hommes mi-boucs, souvent représentés avec une flûte, à l’image du dieu Pan. Aussi, Debussy confie-t-il à la flûte le thème du faune : joué seul, il initie le Prélude. Il réapparaît ensuite tout au long de la pièce, comme un fil conducteurterme employé par P. Landormy, extraits du Guide de la musique symphonique, sous la direction de F. R. Tranchefort, éditions Fayard, novembre 1987, p. 201. De la même manière que le faune évolue dans ses pensées, ses actes et ses rêves tout au long du poème de Mallarmé, le thème se modifie, et l’ensemble de l’orchestre crée autour de lui des décors, des sensations successives différentes, mais toujours dans une atmosphère onirique. Debussy suit « le mouvement ascendant du poème »réponse de Debussy au critique Willy, extrait de Claude Debussy de F. Lesure, éditions Fayard, mai 2003, p. 158 et le Prélude s’anime jusqu’à la partie centrale. Les instruments à cordes sont employés comme au second plan, excepté dans cette partie centrale où tout l’orchestre fusionne, dans des élans puissants mais aux lignes très souples. La troisième et dernière partie, dans un mouvement inverse à la première, redescend et se dénude progressivement jusqu’aux dernières notes, éparses.
Dans cette œuvre, Debussy emploie des procédés qui donnent une nouvelle sensation du déroulement du temps en musique : aucune pulsation appuyée, aucun rythme clairement marqué, des harmonies délicates qui ne répondent pas aux lois des musiciens classiques et romantiques. Il exploite au mieux les timbres des instruments et parvient à transformer sa musique en poésie, en véritable tableau sonore.
Auteure : Aurélie Loyer