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Fiche thématique
Le semi-opera
Propre à la scène londonienne, le genre du semi-opera (« demi-opéra » ou dramatic opera) se situe à mi-chemin entre le théâtre parlé et l’opéra entièrement chanté. Il fleurit entre 1674 et 1710 environ (The Tempest de Matthew Locke date de 1674) et témoigne des recherches menées par une poignée d’artistes pour créer un genre typiquement anglais aussi florissant que la tragédie lyriqueLa tragédie lyrique est un genre musical spécifiquement français, en usage au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, principalement représenté sur la scène de l’Académie royale de musique de Paris, puis diffusé dans les autres villes françaises et étrangères. Elle s’inspire de la tragédie classique illustrée par Corneille et Racine sur des sujets empruntés à la mythologie ou l’histoire, les cinq actes sont précédés d’une ouverture et d’un prologue faisant l’éloge du roi. Le genre mêle musique (récitatifs déclamés suivant le rythme de la parole, airs, ensembles, chœurs) et danse (ballets). La tragédie Cadmus et Hermione de Lully est présentée à Londres en 1686, Henry Purcell en utilisera le prologue pour son propre semi-opera The Tempest. à la cour de Louis XIV.
Entre théâtre et opéra
Le comédien et producteur Thomas Betterton (1635-1710) et le compositeur Matthew Locke (1621-1677), entre autres, voudraient pouvoir faire représenter l’opéra à la mode italienne. Le nouveau théâtre du Dorset Garden inauguré en 1671 leur en donne les moyens techniques, mais c’est oublier que le public londonien est très attaché au théâtre shakespearien. Pour répondre aux demandes contraires des pouvoirs politiques et du public, ils choisissent de reprendre les classiques du dramaturge en y incorporant progressivement entres les scènes parlées des parties purement instrumentales, des scènes de ballets, chansons et airs accompagnés d’effets spectaculaires. Ces intermèdes mettant en scène des personnages mineurs (fées, muses, bergers, etc.) sont ce qu’on appelle les masques. Originellement, ces masques correspondent à des divertissements faisant écho métaphoriquement à l’intrigue principale. Pour n’en donner qu’un exemple, le célèbre air du froid (« What power are thou »), est extrait du masque situé à l’acte III du King Arthur (1691) de Purcell. À l’opposé de ces divertissements sérieux sont les antimasques où fées, sorcières et autres esprits rejoints par des personnages plus triviaux, mendiants, ivrognes, soldats, sont peints de manière caricaturale dans un but comique et satirique. Ils sont l’occasion de scènes burlesques où se côtoient danses et chansons à boire. De production en production, ces masques et antimasques prennent de plus en plus de place si bien que certains semi-operas, comme The Fairy Queen (1692) de Henry Purcell qui comporte cinq masques, tiennent plus de l’opéra que de la pièce de théâtre. Avec Dioclesian (The Prophetess) (1690), King Arthur (1691), The Indian Queen (1695), ils correspondent à l’apogée du semi-opera.
Vers l’opéra
Enfin, ces spectacles étaient si chers à monter que les théâtres ne pouvaient se permettre des créations de cette envergure qu’une fois par an pour ne pas mettre en péril leur stabilité financière. Après la mort de Purcell en 1695 et face à la concurrence entre les maisons d’opéra, le semi-opera est progressivement abandonné au profit de l’opéra italien dont le succès grandit depuis son introduction en Angleterre à partir de 1705-1706 et qui se déploie notamment au Queen’s Théâtre de Haymarket à Londres avec le premier voyage à Londres du jeune Georg Friedrich Haendel (1685-1759) en 1711.
… Et hors d’Angleterre ?
De manière plus anecdotique, le semi-opera a également existé en Espagne entre les années 1650 et 1670 grâce au travail conjugué du dramaturge Pedro Calderón de la Barca (1600-1681) et du compositeur Juan Hidalgo de Polanco (1614-1685). Exclusivement joué à la cour, il se composait de trois actes et s’appuyait sur des épisodes de la mythologie gréco-romaine. Le genre a également décliné à la fin du XVIIe siècle pour laisser place à la zarzuelaÉmergeant dès le début du XVIIe siècle en Espagne, la zarzuela perdure jusqu’au XXe siècle. Elle s’appuie au XVIIe sur des sujets mythologiques et pastoraux où le texte et la mise en scène sont ponctués d’interludes musicaux et de chants jusqu’à laisser une place de plus en plus grande à la musique..
Auteure : Nastasia Matignon