Page découverte
- Numéro d'inventaire :
- E.2020.1.1
- Facteur :
- Andrea Amati (vers 1505-1577)
- Lieu de fabrication :
- Crémone, Italie
- Date de fabrication :
- 1572
Rare et remarquable vestige d’un type d’instrument aujourd’hui disparu, cette basse de violon recoupée en violoncelle, classée Trésor national en 2016, est signée par Andrea Amati (vers 1505-1577), fondateur de la prestigieuse école de lutherie crémonaise, celle-là même dont la production représente depuis lors les canons insurpassés de la facture du violon.
Les armes, devises et emblèmes de Charles IX (roi de France de 1560 à 1574), peintes et dorées sur sa caisse de résonance, en font un témoin exceptionnel de la musique jouée sur instruments à archet à la cour des derniers Valois.
La basse de violon en France au XVIe siècle
Les ensembles de violons, comptant souvent une basse pour le registre grave, jouaient pour les danses et bals, dans la seconde moitié du XVIe siècle en France, et notamment à la cour. La basse de violon était l’instrument le plus grave — « bas » — de la famille du violon. On estime que sa tessiture se situait entre celles du violoncelle et de la contrebasse que nous connaissons aujourd’hui.
De dimensions importantes, elle était jouée posée au sol ou sur un petit tabouret, ou bien soutenue par une lanière ou une bandoulière passée sur les épaules du musicien, comme en témoignent les traces des fixations de crochets en trois emplacements au dos de l’instrument du Musée.
Vue de l’instrument
L’instrument du Musée de la musique
Histoire
Cette exceptionnelle basse de violon réalisée en 1572 a été acquise en 2020 par l’État - Ministère de la Culture, avec le soutien de près de six-cents donateurs de la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris, et le mécénat exceptionnel de la société Astorg Partners.
Dernier instrument d’Andrea Amati resté en mains privées sur le territoire français, il a rejoint la collection nationale du Musée de la musique, au côté d’un ténor de violon du même luthier, entré en 1909 et portant les armes de Philippe II d’Espagne et de son épouse Élisabeth de Valois, sœur de Charles IX.
De récentes analyses sur une partie du décor rattachent indubitablement la basse de violon aux toutes dernières années du règne de Charles IX (1550-1574). C’est à cette époque qu'apparaissent les premières mentions de « violons ordinaires de la chambre du Roy », désignant une formation dédiée aux festivités de la Cour de France, qui rayonnera pendant le règne Louis XIV (appelée aussi « Les Vingt-Quatre Violons du Roi » ou encore « La Grande Bande » ).
Décrit dès 1885, l’instrument a été conservé comme objet d’étude et de référence dans les collections de trois importants luthiers français : Nicolas-Eugène Simoutre (qui le possédait avant 1901 jusqu’à sa mort en 1908), Joseph Chardon et ses descendants (entre 1908 et 1982) et, enfin, Jean-Frédéric Schmitt (de 1982 à 2014).
Description
Comme tous les instruments de musique dont l’usage s’est perpétué sur plusieurs siècles, cet instrument a subi plusieurs modifications au cours du temps, afin de l’adapter aux évolutions des pratiques et des répertoires musicaux : des ballets de cour du XVIe siècle à la musique baroque, puis classique.
C’est ainsi que cette basse de violon a été transformée en violoncelle, vers la fin du XVIIe siècle ou le début du XVIIIe siècle : les dimensions de la caisse ont été réduites, par recoupage du dos, de la table d’harmonie et des éclisses ; la largeur de la caisse a été diminuée de plusieurs centimètres par élimination d’une bande centrale.
Que l’instrument ait été modifié plutôt que détruit témoigne de sa qualité et de son importance.
Décor
Parmi les vingt-et-un instruments d’Andrea Amati parvenus jusqu’à nous – dont cette basse – neuf sont décorés d’éléments symboliques associés au roi Charles IX (fils de Catherine de Médicis et d’Henri II). Les éclisses sont ornées de la lettre « K » surmontée d’une couronne, monogramme du roi, ainsi que de la devise royale, « PIETATE ET IVSTITIA » (« Avec Piété et Justice »), inscrite en lettres capitales dorées.
Sur la caisse de résonance est peint un écu placé sur un « plat de cuir », ceint du collier de l’ordre de Saint-Michel, et surmonté d’une couronne.
Deux figures féminines, debout sur des nuages, supportent l’écu. Celle de droite tient d’une main une balance, et brandit de l’autre une épée — deux attributs emblématiques de la Justice. Celle de gauche, figurant certainement la Piété, a la chevelure recouverte d’un voile.
Deux colonnes sur leurs piédestaux, autour desquelles serpentent des phylactères, encadrent ces armoiries. Surmontées d’une couronne portée par deux angelots, elles représentent aussi Piété et Justice.
La répétition sous diverses formes de la devise du roi suggère une fonction hautement symbolique de l’instrument, au-delà de sa fonction musicale : celle d’affirmer le pouvoir royal, dans le contexte de la fin du XVIe siècle, marqué notamment par les guerres de Religion : le millésime de fabrication de la basse, 1572, ne coïncide-t-il pas avec l’année du massacre de la Saint-Barthélemy ?
Histoires d'instruments
Le violon
Le violon apparaît dans la première moitié du XVIe siècle. Les grands luthiers italiens Amati Stradivari et Guarneri façonnent sa silhouette moderne pendant les XVIIe et XVIIe siècles.